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Vin et canabis ne font décidément pas bon ménage – M. le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais du Jeudi 24 Février 2011 – N°809).

Par un jugement du 19 novembre 2009, le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, compétent pour statuer sur les difficultés relevant de l’enregistrement des marques communautaires, a rappelé les principes essentiels en matière de droit des marques communautaires.

Ces principes sont aussi valables dans la plupart des législations en propriété intellectuelle des Etats-membres.

Le Tribunal de Première Instance des Communautés était saisi d’un recours formé à l’encontre d’une décision de l’OHMI ayant décidé d’annuler l’enregistrement de la marque « CANNABIS » pour des boissons, notamment des bières, des vins et des spiritueux susceptibles de contenir du chanvre.

Les progrès de l’Agroalimentaire conjugués aux idées marketing innovantes avaient conduit une société de droit italien à déposer la marque « CANNABIS » pour ses produits.

Traditionnellement, les noms de fantaisie peuvent être déposés à titre de marque dès lors qu’ils apparaissent éloignés de l’objet même qu’elles protègent.

En ce sens est nulle une marque descriptive, c’est-à-dire définissant trop précisément une caractéristique du produit.

Le CANNABIS n’étant pas la matière première permettant de fabriquer des bières, des vins ou des spiritueux, l’imagination pouvait concevoir que le signe était régulier.

Or, ici, tel n’a pas été le cas.

Le Tribunal donnant raison à l’OHMI retient que la marque est purement descriptive du fait que le consommateur moyen, normalement avisé, peut penser qu’elle constitue une description des caractéristiques du produit.

En droit des marques communautaires, est interdit l’enregistrement de signes ou d’indications descriptifs qui conduiraient à permettre de désigner, dans le commerce, l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production, et pouvant servir dans un usage normal du point de vue du public concerné, pour désigner, soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit.

Le Tribunal se livre à une appréciation abstraite.

Il examine si le caractère descriptif de la marque, servant à désigner un produit, est évocateur.

Il recherche quelle sera la perception du produit par le consommateur moyen, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé.

Toute la question est celle de savoir si pour le consommateur, ainsi décrit, une boisson désignée par la marque « CANNABIS » décrit les caractéristiques de la boisson.

Le Tribunal retient, également par une analyse concrète des faits de l’espèce, qu’il existe un rapport effectif entre le signe « CANNABIS » et les caractéristiques des produits concernés.

Le CANNABIS est utilisé dans de nombreux produits alimentaires, notamment pour la bière et certaines autres boissons.

Il s’agit d’un terme scientifique latin largement connu dans plusieurs langues de la Communauté Européenne, de sorte que le consommateur ciblé sur le territoire communautaire, puisque telle est la vocation de la protection demandée, le comprend aisément.

Pour le consommateur, la marque « CANNABIS » évoquera cette caractéristique particulière du produit et elle s’avèrera déterminante de l’achat qu’il en fera.

Le Tribunal souligne, qu’immanquablement, la caractéristique principale que désigne la marque est déterminante pour le consommateur qui sera attiré par l’obtention de sensations similaires à celles qu’il obtiendrait en consommant du CANNABIS.

Cette décision peut être admise.

Il s’agit pourtant d’un cas particulier.

Qu’en aurait-il été si l’enregistrement de la marque avait été demandé pour des boissons insusceptibles de contenir du chanvre ?

Le caractère descriptif aurait fait défaut et la marque aurait pu être régulièrement enregistrée.

Il est permis d’en douter car, même si le Tribunal ne l’indique pas, un signe peut être considéré comme insusceptible de constituer une marque dès lors qu’il présente un danger pour la sécurité publique ou est attentatoire aux bonnes mœurs.

Une telle marque ne ferait elle pas l’apologie de la consommation de ce stupéfiant interdit dans de nombreuses législations ?

Ce moyen n’a pas été retenu, de sorte que si une nouvelle tentative d’enregistrement était faite pour des produits insusceptibles de contenir du chanvre, la position jurisprudentielle pourrait rester identique mais motivée sur cet autre fondement.

Ainsi, par exemple, pour des vêtements qui y contiendraient du chanvre.

Outre le fait que nos instances communautaires ne semblent pas priserle CANNABIS, il apparaît que le signe était suffisamment évocateur pour faire espérer à son titulaire d’importants bénéfices sur le plan économique.

En effet, poursuivre une telle procédure, eu égard à son coût, est très explicite.

Un appel devant la Cour de Justice des Communautés est possible.

Peut-être sera-t-il tenté encore qu’il apparaît, au regard de la motivation des premiers juges, peu probable qu’elle prospère.
Michel DESILETS
SCP CEVAER-DESILETS-ROBBE,
Avocats au Barreau de Villefranche S/S et Lyon