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Retour de Permis Blanc : Attention Aux Rumeurs – Maître François ROBBE (Le Patriote En Beaujolais, n°735, 24/09/2009)

En juin 2009, la presse nationale a annoncé la réhabilitation par le Conseil d’Etat du permis blanc, supprimé en 2003.

Jusqu’en 2003, le conducteur qui voyait son permis suspendu après avoir commis une ou plusieurs infractions pouvait bénéficier de la clémence des juges et se voir accorder un permis blanc lui permettant de conduire un véhicule dans le cadre exclusif de son activité professionnelle.

La vigilance des pouvoirs publics vis-à-vis de la sécurité routière s’étant accrue au début des années 2000, cette souplesse de la législation a disparu. Mais certains ont cru voir, dans un arrêt récent du Conseil d’État, les prémicesd’un retour du permis blanc. Dans une décision du  13 mars 2009, la haute juridiction a effectivement permis à un chauffeur de taxi, dont le solde de points était devenu nul et dont le permis était par conséquent annulé, de conserver au moins provisoirement son titre de conduire. Mais il ne s’agit pas là d’un retour à la législation antérieure à 2003. L’arrêt du Conseil d’État du 13 mars 2009 ne présente pas de caractère innovant.

Depuis de nombreuses années, le conducteur qui voit son permis annulé après que le solde de ses points soit devenu nul pour cause d’infractions répétées peut bénéficier, sous certaine conditions relativement strictes, de la même mesure juridictionnelle que ce chauffeur de taxi.

Tout conducteur dont le permis est annulé après la perte de ses derniers points peut en effet déposer un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal Administratif, afin de faire annuler la décision préfectorale ou ministérielle constatant la nullité de son permis. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir ce genre d’action couronnée de succès. En effet, l’administration et les services de police ou de gendarmerie n’étant pas toujours exempts de reproche, il est parfois possible de faire valoir des vices de procédure, voire des erreurs d’analyse des faits, et d’obtenir ainsi l’annulation de la décision procédant au retrait du permis de conduire. Le conducteur retrouve alors la possibilité de prendre le volant d’un véhicule.

Cette procédure contentieuse est toutefois relativement longue, en raison de l’encombrement des tribunaux administratifs. De plus, l’Administration peut interjeter appel de la décision du Tribunal, puis se pourvoir en Cassation devant le Conseil d’État, si elle estime que l’annulation initiale du permis de conduire était justifiée. La procédure contentieuse peut ainsi durer plusieurs années. Pour parer à la lourdeur et à la longueur du procès administratif, l’intéressé peut demander en référé la suspension de l’annulation de son permis, de façon à conserver la possibilité de conduire jusqu’aux termes de la procédure engagée. C’est la procédure dite de référé suspension, qui doit être introduite devant le juge administratif concomitamment ou peu après le dépôt du recours principal.

C’est cette procédure qu’a engagée avec succès le chauffeur de taxis dont parle l’arrêt du Conseil d’État du 13 mars 2009. Toutefois, il serait faux de croire que tout conducteur dont le permis est annulé peut retrouver au moins temporairement le droit de conduire en intentant un référé suspension. Le juge administratif ne suspendra la décision d’annulation du permis que si deux conditions sont remplies :

–          Le conducteur doit justifier d’une situation d’urgence réelle, tenant au caractère indispensable du permis de conduire dans le cadre de ses activités professionnelles. Cette condition est évidemment remplie, s’agissant d’un chauffeur de taxis. Elle peut l’être également vis-à-vis d’un vétérinaire exerçant en campagne. Toutefois, le juge est souverain dans l’appréciation de l’urgence. Il pourra notamment prendre en compte la fréquence et la gravité des infractions commises pour estimer que la condition d’urgence n’est pas remplie alors même que le permis de conduire serait indispensable à la profession de l’intéressé.

–          La seconde condition pour bénéficier d’une suspension de l’annulation du permis est d’invoquer un argument juridique sérieux. En d’autres termes, nul ne pourra recouvrer temporairement l’usage de son permis dans l’attente de la fin de la procédure s’il ne développe pas un argumentaire précis et pertinent de nature à montrer que l’administration a décidé à tort d’annuler son permis de conduire.

L’arrêt du Conseil d’État du 13 mars 2009 n’annonce donc pas le retour d’un âge d’or pour les conducteurs les plus exposés au risque d’annulation de permis de conduire. Il montre simplement qu’un conducteur peut obtenir la suspension au moins temporaire des effets d’une annulation de permis s’il justifie d’argument sérieux en ce sens.

Maître François ROBBE
Avocat au Barreau de Ville franche sur Saône