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Randonneurs et Propriétés Privées – Monsieur le Bâtonnier DESILETS (Le Patriote Beaujolais, N°788, Jeudi 30/09/2010, p.10)

La course à pied ou jogging, la randonnée pédestre et le VTT se sont considérablement développés ces dernières années.

Les adeptes de ces sports de plein air aiment l’espace et sont amenés à emprunter ou à traverser consciemment ou non des propriétés privées.

Cette situation peut avoir des conséquences en terme de responsabilité tant pour le pratiquant que pour le propriétaire.

L’article 544 du Code civil fait de la propriété privée l’un des droits fondammentaux de la personne humaine.

Ce droit est absolu pourvu que l’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et réglements.

Ainsi, un propriétaire doit donner son accord pour que son terrain soit emprunté par des randonneurs ou autres sportifs.

Toutefois dans la plupart des cas cela est impossible et les différents espaces ne peuvent être surveillés.

C’est pourquoi si le propriétaire n’indique pas expressément qu’il est interdit de pénétrer sur sa propriété sa responsabilité pourra être mise en œuvre.

Ainsi, en est-il du sportif qui se blesserait sur son terrain, par exemple un randonneur blessé par des chutes de pierres.

La responsabilité du propriétaire est draconnienne car il s’agit d’une responsabilité sans faute.

En droit, le propriétaire est responsable de la chose à l’origine du dommage puisqu’il est, par une fiction juridique, gardien de son comportement.

Il ne pourra s’exonérer de sa responsabilité qu’en prouvant l’intervention d’une cause étrangère ou un cas de force majeure, démonstration très difficile à faire.

La jurisprudence dans une large mesure reconnaît aux usagers des terrains privés non clos une tolérance de passage.

Ainsi, peuvent-ils rechercher en cas de dommage, la responsabilité du propriétaire, même s’ils n’ont pas été expressément autorisés à pénétrer sur son terrain.

Il y a là une sorte d’injustice pour le propriétaire qui sans avoir rien fait, endosse une responsabilité qui peut être lourde de conséquence.

C’est pourquoi des règles ont été adoptées pour limiter la responsabilité des propriétaires de terrains privés utilisés par les randonneurs.

Toutefois, ces limitations sont peu nombreuses.

Tel est le cas lorsqu’une servitude de passage est instaurée par la Loi, par exemple, pour les propriétaires en montagne qui doivent accepter le passage des pistes de ski ou autres voies d’escalade (Code du tourisme, article L 342-20).

De même, les propriétaires de bord de mer doivent laisser une bande de trois mètres pour permettre le passage.

Tel est le cas également des propriétaires de terrains, voies et chemins devant être traversés pour permettre un accès pour les piétons au littoral (Code de l’Urbanisme, article L 160-6).

Dans ces conditions, hormis ces quelques exemples particuliers, la responsabilité du propriétaire reste le principe et ce dernier sauf à prendre les mesures élémentaires rappelées ci-dessus (paneautage et clôture), peut voir sa responsabilité recherchée.

Mais, le propriétaire d’un site traversé peut déléguer sa responsabilité au travers d’un contrat avec une structure, associative ou autre, chargé de son exploitation.

Dès lors, sa responsabilité sera transférée.

Il peut encore préférer, si le risque est important, transférer la garde du terrain à une collectivité territoriale.

Il n’aura plus à faire la « police » sur sa propriété avec les différents usagers cités ci-dessus ou  même des pêcheurs ou des chasseurs.

En conclusion, l’accès des particuliers exerçant des activités sportives de nature prime le droit des propriétaires de terrains privés.

La propriété privée ne semble plus exister que pour tenir un éventuel responsable en cas de nécessité tandis que dans la pratique des activités de plain air, le terrain privé devient de fait un bien de nature collective.

C’est pourquoi, des mesures simples peuvent être prises par les uns et les autres pour éviter des difficultés ou un contentieux à l’issue incertaine.

Les propriétaires peuvent délimiter leur propriété et informer aux points de passage de la nature privée des terrains traversés.

Les sportifs de nature peuvent également s’inquiéter de la prise en charge par leur assurance en cas de sinistre.

Maître Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône