MENU

Le Droit au Logement : rêve ou réalité ? – Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais, n°727, 30/07/2009)

Le droit au logement opposable a été institué le 5 mars 2007.

Cette loi et ses dispositions ont fait couler beaucoup d’encre.

Elles imposent aux pouvoirs publics la mise en œuvre du droit au logement.

L’article 1 de cette loi, devenu l’article L 300-1 du Code de la Construction et de l’Habitation est libellé dans les termes suivants :

« Le droit à un logement décent et indépendant, mentionné à l’article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, est garanti par l’Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’Etat, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir ».

Il était également prévu que ce droit s’exerçait par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux.

Dès lors, cette disposition pouvait être considérée comme un vœu pieuxou comme une réelle volonté de lutter efficacement pour éradiquer tout phénomène de non logement au mal logement.

Nombreux y ont vu la possibilité, sinon d’obtenir un logement décent du moins celle de se maintenir dans le logement qui déjà occupé sans droit ni titre.

Les termes de la loi sont très généraux et recouvrent, à n’en pas douter, une multitude de cas particuliers.

La jurisprudence doit donc progressivement définir les contours précis du principe ainsi dégagés par le législateur.

Une décision récente refuse à des squatteursd’un logement privé, la possibilité d’invoquer la disposition rappelée ci-dessus.

Les faits de l’espèce étaient extrêmement simples.

Des locaux appartenant à un particulier étaient occupés par plusieurs squatteurs.

Ceux-ci, assignés en expulsion, ont invoqué le droit au logement, précisant que celui-ci a une valeur constitutionnelle, ce qui effectivement n’est pas douteux.

La Cour d’Appel de PARIS, dans un arrêt du 11 février 2009, rappelle sans que cela soit contradictoire avec ce qui précède, que les dispositions légales ne définissent pas le principe en terme de droit individuel mais seulement en terme d’objectif.

Ainsi les dispositions de la loi du 05 mars 2007 imposent aux pouvoir public la mise en œuvre du droit au logement.

Il n’est pas possible d’étendre la signification des dispositions au point d’imposer à une personne privée l’hébergement de personne sans domicile fixe.

La Cour rappelle qu’une telle mesure équivaudrait à une réquisition ou à une expropriation pour cause d’utilité privée.

Or, notre droit ne connaît d’expropriation que pour cause d’utilité publique.

Cette décision se justifie pleinement.

Toutefois, elle peut apparaître décevante.

Il est permis de se demander pourquoi le législateur est si prompt à formuler, dans un cadre légal, d’importantes déclarations dont il peut prévoir qu’elles seront difficilement applicables, voire totalement impossibles à mettre concrètement en œuvre.

Le progrès voulu est louable, sa concrétisation dans la réalité se heurte à d’autres considérations tout aussi respectables.

Dans l’espèce commentée, les squatteurs avaient sollicité des délais pour quitter les lieux.

La Cour d’Appel leur refuse précisant que les locaux n’étaient pas destinés à l’habitation et également amiantés en de nombreux endroits, présentant des risques pour les occupants.

De là à penser que ceux-ci ont été expulsés pour leur bien…

Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche sur Saône