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Irrégularité de la garde à vue, mais condamnation valable – Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais n°861, 23/02/2012)

L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissant le droit à un procès équitable et la jurisprudence récente de la Cour de cassation consacrent le droit à l’assistance d’un avocat pour toute personne mise en garde à vue dès la première heure.

A défaut la procédure est irrégulière.

Sur ces bases, deux prévenus poursuivis dans le cadre d’une même affaire avaient soulevé l’irrégularité de leurs gardes à vue et la nullité de la procédure subséquente.

Si, le procès-verbal de garde à vue mentionnait bien que l’avocat avait été avisé, son nom n’était pas précisé, ce qui ne permettait pas le contrôle de la régularité de la procédure, ni d’avoir la certitude du respect des droits des mis en garde à vue.

Les juges du fond accueillent ce moyen de nullité.

Sur appel du Parquet, la Cour infirme le jugement.

Elle écarte les procès-verbaux d’audition des mis en garde à vue, et se fondant sur d’autres éléments du dossier, acquiert la conviction de leur culpabilité et les condamne.

Ils se pourvoient en cassation espérant faire déclarer nulle toute la procédure postérieure à leur garde à vue.

Dans un arrêt du 7 février 2012, la Cour suprême rejette leur pourvoi et confirme l’arrêt de la Cour d’appel.

Elle retient le principe suivant lequel, dès lors que les juges ne se sont pas fondés sur les déclarations recueillies en garde à vue pour déclarer le prévenu coupable, celui-ci ne saurait faire grief de la non annulations des pièces de procédure établies à cette occasion.

En d’autres termes, la Cour de cassation, après s’être assurée que la Cour d’appel ne s’était pas fondée sur les déclarations recueillies en garde à vue pour déclarer les prévenus coupables, à confirmer que l’éventuelle nullité de la garde à vue était sans incidence sur le reste de la procédure.

Subtilement, la Cour d’appel s’était abstenue de motiver la condamnation sur les procès-verbaux des auditions de garde à vue, se basant sur d’autres éléments du dossier.

Cette décision peut paraitre choquante car la garde à vue s’inscrit totalement dans la procédure pénale dès lors qu’elle est mise en œuvre, et les actes judiciaires qui s’ensuivent en découlent.

Elle conduit également à s’interroger sur la nature des droits concédés comme des garanties à un procès équitable.

La tendance jurisprudentielle actuelle de réduction des moyens de nullité se confirme même au détriment des principes réaffirmés dans une déclaration de droits fondamentaux.

Michel DESILETS
Avocat au barreau de Villefranche