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La Question Préjudicielle de Constitutionnalité : Une Révolution dans les Procédures Contentieuses – Maître François ROBBE (Le Tout Lyon 25-31/07/2009)

A l’heure de la Mondialisation et d’Internet, il existe encore des progrès de la civilisation qui n’atteignent la France que plusieurs siècles après leur invention. En 1803, la Cour Suprême des Etats-Unis a permis à tout justiciable américain de soulever, devant les tribunaux, l’inconstitutionnalité de la loi applicable à son cas d’espèce. La Cour Suprême créait ainsi l’exception d’inconstitutionnalité et permettait aux juges d’écarter l’application des lois inconstitutionnelles. Avec deux siècles de retard, la France mettra en œuvre, courant 2010, un mécanisme similaire.

Selon le nouvel article 61-1 de la Constitution, issu de la loi Constitutionnelle du 23 juillet 2008, « lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la constitution garantie, le Conseil Constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’Etat ou de la Cour de Cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d’applications du présent article ».

Ce nouvel outil procédural qu’est l’exception d’inconstitutionnalité ne sera pas réservé à quelques avocats spécialisés en Droit Public et férus de droit constitutionnel. La question préjudicielle de constitutionnalité est susceptible d’être soulevée devant toutes les juridictions relevants de l’ordre administratif ou judiciaire, à l’exception de la Cour d’Assises. De plus, l’exception d’inconstitutionnalité pourra être soulevée tant par le demandeur que par le défendeur, de sorte qu’un avocat pourra se trouver confronté à cette question même si son client n’en est pas l’initiateur.

Ainsi, de nombreux avocats, pour lesquels le Conseil Constitutionnel était jusqu’à présent une institution lointaine, seront contraints dans un proche avenir de se pencher sur la jurisprudence de cette haute juridiction. Ils découvriront alors que certains principes juridiques qui leur sont très familiers, comme le respect des droits de la défense, la liberté d’entreprendre ou le principe de proportionnalité des délits et les peines ont des fondements constitutionnels.

Compte tenu de la richesse de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel, patiemment construite sur plusieurs décennies, les parties au procès pourront, dans un proche avenir, invoquer devant le Juge du fond, l’inconstitutionnalité d’une disposition législative du Code Civil, du Code de Commerce ou du Code Pénal, quand bien même cette disposition serait vieille de plusieurs siècles. Toutefois, le recours à l’exception d’inconstitutionnalité ne sera pas sans limite. Seuls pourront être invoqués comme moyens d’inconstitutionnalité de la loi les atteintes portés aux droits et libertés reconnus par la Constitution. En d’autres termes, la méconnaissance d’une règle de procédure lors de l’élaboration de la loi au Parlement, ne pourra servir de fondement à une question préjudicielle.

Le Juge du Fond, saisi d’une question préjudicielle de constitutionnalité, ne disposera que de pouvoirs limités : il ne pourra se prononcer lui-même sur l’exception d’inconstitutionnalité et se contentera de décider de son éventuel renvoi devant une autre instance. En effet, la République Française a choisi, en 1958, le modèle européen de justice constitutionnelle, dans lequel une juridiction centrale unique, en l’occurrence le Conseil Constitutionnel, a compétence exclusive pour se prononcer sur la constitutionnalité de la loi. Selon qu’il appartient à l’ordre judiciaire ou à l’ordre administratif, le juge du fond renverra la question de constitutionnalité devant le Conseil d’Etat ou la Cour de Cassation, qui, le cas échéant, saisiront à leur tour le Conseil Constitutionnel.

Sur le fond, on ne peut que se féliciter de cette réforme qui tend à mieux assurer le respect des droits fondamentaux par la législation française. Mais dans la pratique, la création de la question préjudicielle de constitutionnalité pourrait devenir un facteur d’allongement des procédures contentieuses. En effet, dans le projet de loi organique transmis dernièrement à l’Assemblée Nationale, rien n’est dit sur le délai dans lequel le Juge du Fond devra statuer sur l’exception d’inconstitutionnalité. Or, la logique de la question préjudicielle veut que le procès soit suspendu jusqu’à la réponse du Conseil Constitutionnel. Un retard du Juge du Fond dans le traitement de la question préjudicielle pourra donc différer d’autant la solution du litige. Or, dans son arrêt Mattera du 26 avril 2001, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a rappelé que les juridictions devaient statuer dans des délais raisonnables.

Au-delà de ces questions d’ordre chronologique, la création de l’exception l’inconstitutionnalité introduira des modifications dans le suivi des procédures contentieuses et dans les règles applicables à l’instruction. En l’état, le projet de loi organique transmis à l’Assemblée Nationale, ne dit pas si devant le Tribunal de Grande Instance, la question préjudicielle de constitutionnalité devra être examinée par la juridiction statuant au fondou par le juge de la mise en état. Sur ce point, comme sur d’autres, la loi organique à venir devra certainement être suivie d’une modification des dispositions pertinentes du Code de Procédure Civile. Elle devra également s’accompagner d’une politique de formation à l’intention des professionnels du droit, pour qui le droit constitutionnel n’est parfois qu’un lointain souvenir

Maître François ROBBE
Avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône
Maître de conférences en droit public
Directeur du Centre de Droit Constitutionnel
Université Lyon 3

Le Droit au Logement : rêve ou réalité ? – Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais, n°727, 30/07/2009)

Le droit au logement opposable a été institué le 5 mars 2007.

Cette loi et ses dispositions ont fait couler beaucoup d’encre.

Elles imposent aux pouvoirs publics la mise en œuvre du droit au logement.

L’article 1 de cette loi, devenu l’article L 300-1 du Code de la Construction et de l’Habitation est libellé dans les termes suivants :

« Le droit à un logement décent et indépendant, mentionné à l’article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement, est garanti par l’Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’Etat, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir ».

Il était également prévu que ce droit s’exerçait par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux.

Dès lors, cette disposition pouvait être considérée comme un vœu pieuxou comme une réelle volonté de lutter efficacement pour éradiquer tout phénomène de non logement au mal logement.

Nombreux y ont vu la possibilité, sinon d’obtenir un logement décent du moins celle de se maintenir dans le logement qui déjà occupé sans droit ni titre.

Les termes de la loi sont très généraux et recouvrent, à n’en pas douter, une multitude de cas particuliers.

La jurisprudence doit donc progressivement définir les contours précis du principe ainsi dégagés par le législateur.

Une décision récente refuse à des squatteursd’un logement privé, la possibilité d’invoquer la disposition rappelée ci-dessus.

Les faits de l’espèce étaient extrêmement simples.

Des locaux appartenant à un particulier étaient occupés par plusieurs squatteurs.

Ceux-ci, assignés en expulsion, ont invoqué le droit au logement, précisant que celui-ci a une valeur constitutionnelle, ce qui effectivement n’est pas douteux.

La Cour d’Appel de PARIS, dans un arrêt du 11 février 2009, rappelle sans que cela soit contradictoire avec ce qui précède, que les dispositions légales ne définissent pas le principe en terme de droit individuel mais seulement en terme d’objectif.

Ainsi les dispositions de la loi du 05 mars 2007 imposent aux pouvoir public la mise en œuvre du droit au logement.

Il n’est pas possible d’étendre la signification des dispositions au point d’imposer à une personne privée l’hébergement de personne sans domicile fixe.

La Cour rappelle qu’une telle mesure équivaudrait à une réquisition ou à une expropriation pour cause d’utilité privée.

Or, notre droit ne connaît d’expropriation que pour cause d’utilité publique.

Cette décision se justifie pleinement.

Toutefois, elle peut apparaître décevante.

Il est permis de se demander pourquoi le législateur est si prompt à formuler, dans un cadre légal, d’importantes déclarations dont il peut prévoir qu’elles seront difficilement applicables, voire totalement impossibles à mettre concrètement en œuvre.

Le progrès voulu est louable, sa concrétisation dans la réalité se heurte à d’autres considérations tout aussi respectables.

Dans l’espèce commentée, les squatteurs avaient sollicité des délais pour quitter les lieux.

La Cour d’Appel leur refuse précisant que les locaux n’étaient pas destinés à l’habitation et également amiantés en de nombreux endroits, présentant des risques pour les occupants.

De là à penser que ceux-ci ont été expulsés pour leur bien…

Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche sur Saône

Retour de Permis Blanc : Attention Aux Rumeurs – Maître François ROBBE (Le Patriote En Beaujolais, n°735, 24/09/2009)

En juin 2009, la presse nationale a annoncé la réhabilitation par le Conseil d’Etat du permis blanc, supprimé en 2003.

Jusqu’en 2003, le conducteur qui voyait son permis suspendu après avoir commis une ou plusieurs infractions pouvait bénéficier de la clémence des juges et se voir accorder un permis blanc lui permettant de conduire un véhicule dans le cadre exclusif de son activité professionnelle.

La vigilance des pouvoirs publics vis-à-vis de la sécurité routière s’étant accrue au début des années 2000, cette souplesse de la législation a disparu. Mais certains ont cru voir, dans un arrêt récent du Conseil d’État, les prémicesd’un retour du permis blanc. Dans une décision du  13 mars 2009, la haute juridiction a effectivement permis à un chauffeur de taxi, dont le solde de points était devenu nul et dont le permis était par conséquent annulé, de conserver au moins provisoirement son titre de conduire. Mais il ne s’agit pas là d’un retour à la législation antérieure à 2003. L’arrêt du Conseil d’État du 13 mars 2009 ne présente pas de caractère innovant.

Depuis de nombreuses années, le conducteur qui voit son permis annulé après que le solde de ses points soit devenu nul pour cause d’infractions répétées peut bénéficier, sous certaine conditions relativement strictes, de la même mesure juridictionnelle que ce chauffeur de taxi.

Tout conducteur dont le permis est annulé après la perte de ses derniers points peut en effet déposer un recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal Administratif, afin de faire annuler la décision préfectorale ou ministérielle constatant la nullité de son permis. Il n’est d’ailleurs pas rare de voir ce genre d’action couronnée de succès. En effet, l’administration et les services de police ou de gendarmerie n’étant pas toujours exempts de reproche, il est parfois possible de faire valoir des vices de procédure, voire des erreurs d’analyse des faits, et d’obtenir ainsi l’annulation de la décision procédant au retrait du permis de conduire. Le conducteur retrouve alors la possibilité de prendre le volant d’un véhicule.

Cette procédure contentieuse est toutefois relativement longue, en raison de l’encombrement des tribunaux administratifs. De plus, l’Administration peut interjeter appel de la décision du Tribunal, puis se pourvoir en Cassation devant le Conseil d’État, si elle estime que l’annulation initiale du permis de conduire était justifiée. La procédure contentieuse peut ainsi durer plusieurs années. Pour parer à la lourdeur et à la longueur du procès administratif, l’intéressé peut demander en référé la suspension de l’annulation de son permis, de façon à conserver la possibilité de conduire jusqu’aux termes de la procédure engagée. C’est la procédure dite de référé suspension, qui doit être introduite devant le juge administratif concomitamment ou peu après le dépôt du recours principal.

C’est cette procédure qu’a engagée avec succès le chauffeur de taxis dont parle l’arrêt du Conseil d’État du 13 mars 2009. Toutefois, il serait faux de croire que tout conducteur dont le permis est annulé peut retrouver au moins temporairement le droit de conduire en intentant un référé suspension. Le juge administratif ne suspendra la décision d’annulation du permis que si deux conditions sont remplies :

–          Le conducteur doit justifier d’une situation d’urgence réelle, tenant au caractère indispensable du permis de conduire dans le cadre de ses activités professionnelles. Cette condition est évidemment remplie, s’agissant d’un chauffeur de taxis. Elle peut l’être également vis-à-vis d’un vétérinaire exerçant en campagne. Toutefois, le juge est souverain dans l’appréciation de l’urgence. Il pourra notamment prendre en compte la fréquence et la gravité des infractions commises pour estimer que la condition d’urgence n’est pas remplie alors même que le permis de conduire serait indispensable à la profession de l’intéressé.

–          La seconde condition pour bénéficier d’une suspension de l’annulation du permis est d’invoquer un argument juridique sérieux. En d’autres termes, nul ne pourra recouvrer temporairement l’usage de son permis dans l’attente de la fin de la procédure s’il ne développe pas un argumentaire précis et pertinent de nature à montrer que l’administration a décidé à tort d’annuler son permis de conduire.

L’arrêt du Conseil d’État du 13 mars 2009 n’annonce donc pas le retour d’un âge d’or pour les conducteurs les plus exposés au risque d’annulation de permis de conduire. Il montre simplement qu’un conducteur peut obtenir la suspension au moins temporaire des effets d’une annulation de permis s’il justifie d’argument sérieux en ce sens.

Maître François ROBBE
Avocat au Barreau de Ville franche sur Saône

Convictions Religieuses et Interventions Chirurgicales – Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais)

La Cour Administrative d’Appel de LYON a rendu courant 2008 un intéressant arrêt.

Des parents recherchaient la responsabilité d’un hôpital suite à un accouchement qui avait laissé à leur enfant des séquelles neurologiques graves.

Les faits étaient les suivants.

La mère, sur le point d’accoucher, est admise à la maternité du Centre Hospitalier.

L’expulsion de l’enfant se déroule dans des conditions difficiles et des complications surviennent.

Très rapidement, la sage-femme appelle l’interne de garde pensant devoir sans tarder recourir à une césarienne.

Le père, faisant état de convictions religieuses, relayé par la mère, s’oppose alors physiquement à l’intervention de tout médecin (obstétricien ou anesthésiste) de sexe masculin.

Le sort de l’enfant s’aggrave au point qu’une demi-heure après il est trop tard pour envisager une césarienne, l’extraction de l’enfant devant être effectuée par application de forceps.

Médicalement, la situation aurait pu être évitée par la réalisation rapide d’une césarienne prophylactique.

Constatant ultérieurement le développement anormal de l’enfant et les séquelles dont il souffrait, les parents ont recherché devant la juridiction administrative la responsabilité de l’établissement hospitalier.

Ils réclamaient la réparation de leur préjudice et sollicitaient pour leur fils, en qualité de représentants légaux, une indemnité prévisionnelle de 100 000 € ainsi qu’à titre personnel une indemnité de 10 000 €.

Leur requête est rejetée.

Ils fondaient leurs prétentions alternativement sur la responsabilité pour faute ou sans faute du Centre Hospitalier.

Dans le cadre de la responsabilité pour faute, ils leur appartenaient de prouver le fait générateur du dommage.

Or, en l’espèce, les difficultés survenues au cours de l’accouchement ont été immédiatement constatées, et l’hôpital disposait du matériel et des personnels propres à pratiquer l’opération qui s’imposait.

Seule l’opposition farouche des parents, qui n’ont permis la présence que d’une sage-femme dont la formation ne permettait pas de pratiquer l’opération, a été à l’origine du dommage.

Ils ne pouvaient non plus soutenir qu’après demande instante du personnel médical (médecins, obstétriciens et anesthésistes) ils avaient admis que ceux-ci pouvaient intervenir alors qu’il était trop tard.

Le retard leur était totalement imputable.

Plus subtilement, les parents également tentaient de soutenir que, devant leur attitude, le personnel hospitalier aurait dû faire immédiatement appel aux forces de police pour expulser le père de l’hôpital et pratiquer l’intervention qui s’imposait.

La juridiction administrative refuse de considérer qu’il s’agirait là d’une faute de nature à engager la responsabilité du Centre Hospitalier.

De même, au titre de la responsabilité sans faute, aucun moyen utile ne pouvait être soulevé.

En effet, la situation de l’hôpital, son organisation et les moyens dont il disposait étaient de nature à permettre de pratiquer le geste chirurgical qui s’imposait pour la situation qui avait été correctement diagnostiquée.

Une telle décision, malgré les conséquences, qui en résultent pour l’enfant, doit être admise.

Au-delà de la respectabilité des convictions religieuses, l’attitude des parents est bien la seule explication aux préjudices subis.

La gravité de l’attitude des parents aurait d’ailleurs permis des poursuites pour non-assistance à personne à danger, ou pour mise en danger de la personne.

Plus généralement, il appartient aux parents de prendre les décisions qui s’imposent pour secourir leurs enfants en toute circonstances et aucune conviction, aussi respectable qu’elle puisse être par ailleurs, ne justifierait qu’il y soit dérogé.

Michel DESILETS
Avocat associé au Barreau de VILLEFRANCHE SUR SAONE
SCP CEVAER – DESILETS – ROBBE

L’obligation d’information du Conseil en Investissement – Monsieur le Bâtonnier DESILETS (Le Patriote Beaujolais, 26/11/2009, n° 744 p. 37)

Dans les périodes boursières troublées, telles celles que nous connaissons, nombreux sont les épargnants ayant réalisé des investissements qui se sont avérés catastrophiques.

Le réflexe est alors de chercher à engager la responsabilité de la société de placement ou de ses intermédiaires.

La Cour d’Appel de NANCY, le 24 février dernier a eu l’occasion d’apporter toutes précisions sur la responsabilité du conseil en investissement.

Les faits étaient très simples.

Un conseil en investissement avait démarché des particuliers leur proposant de saisir plusieurs opportunités développées par des sociétés internationales réputées pour leurs performances et leurs compétences sur le marché financier depuis plus de 20 ans et dont il était le partenaire exclusif.

Interrogé ultérieurement, il a précisé que les placements proposés étaient d’une rentabilité exceptionnelle étant adossés à une activité performante et étaient garantis par la surface d’un groupe international.

Un couple a placé ses économies, à savoir 50 000 € et leur fils les siennes à hauteur de    30 000 €.

Deux ans plus tard, la société gestionnaire des fonds a informé les souscripteurs de la nécessité de liquider leur position financière eu égard à l’importance des pertes constatées.

Sans avoir donné d’instructions, un mois plus tard, les particuliers ont été avisés que leurs positions avaient été liquidées afin que les pertes soient limitées.

Leur conseil a tenté vainement d’obtenir le remboursement des sommes investies.

Excédés, les épargnants l’ont assigné lui reprochant un manque d’informations et de conseils.

Ils ont obtenu satisfaction.

Le Tribunal, confirmé en cela par la Cour, retient que le conseil en investissement est bien intervenu en qualité de professionnel et a fait miroiter des bénéfices importants en toute sécurité parlant même dans l’un de ses courriers d’une rentabilité supérieure à 12 % par an.

Il objectait avoir transmis des informations concernant le produit d’investissement, un fond d’actions internationales en €.

Toutefois, cette notice était partielle et rédigée en anglais, si bien que les profanes en matière de finance et d’investissement qu’étaient ses clients n’ont pu se faire une idée précise et exacte du fond sur lequel ils investissaient, s’en remettant totalement au conseil du professionnel qui les avait démarchés.
D’autre part, la Cour retient que le devoir de conseil du professionnel s’impose d’autant plus qu’il a à faire à des investisseurs non avertis en matière d’instruments financiers.

La Cour reproche au conseil en investissement ne pas s’être enquis de la situation financière détaillée et précise de ses clients, sans expérience en matière d’investissement, et de leurs objectifs, avant de conseiller le placement.

Il aurait fallu que cet investissement soit précédé d’une étude personnalisée de la situation et des besoins ainsi que des attentes des investisseurs.

N’ayant pas fait cette analyse, le conseil en investissement ne peut fournir à ses clients des renseignements précis et proposer un objectif cohérent avec l’investissement proposé.

En clair, il doit, entre les besoins et le produit qu’il propose, démontrer une adéquation.

Tel n’était pas le cas en l’espèce.

Ainsi, le Conseil en investissement est-il condamné pour faute dans l’exécution de son contrat.

Il a fait perdre une chance à ses clients qui, s’ils avaient été informés des caractéristiques exactes des placements proposés, auraient pu ne pas donner suite aux propositions ou préféré investir en bon père de famille en optant pour des placements procurant certes un moindre profit mais également un moindre risque.

La Cour retient que seule est réparable la perte des sommes investies à proportion de la chance perdue.

Les gains annoncés au titre des investissements en cause sont exclus de la réparation.

Cette décision est logique et équitable.

Les investisseurs récupèrent leurs mises de fonds ce qui, actuellement, n’est pas si mal.

Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche sur Saône

Cour d’Appel de NANCY-1ère chambre civile – 24/02/2009

Vin et canabis ne font décidément pas bon ménage – M. le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais du Jeudi 24 Février 2011 – N°809).

Par un jugement du 19 novembre 2009, le Tribunal de Première Instance des Communautés Européennes, compétent pour statuer sur les difficultés relevant de l’enregistrement des marques communautaires, a rappelé les principes essentiels en matière de droit des marques communautaires.

Ces principes sont aussi valables dans la plupart des législations en propriété intellectuelle des Etats-membres.

Le Tribunal de Première Instance des Communautés était saisi d’un recours formé à l’encontre d’une décision de l’OHMI ayant décidé d’annuler l’enregistrement de la marque « CANNABIS » pour des boissons, notamment des bières, des vins et des spiritueux susceptibles de contenir du chanvre.

Les progrès de l’Agroalimentaire conjugués aux idées marketing innovantes avaient conduit une société de droit italien à déposer la marque « CANNABIS » pour ses produits.

Traditionnellement, les noms de fantaisie peuvent être déposés à titre de marque dès lors qu’ils apparaissent éloignés de l’objet même qu’elles protègent.

En ce sens est nulle une marque descriptive, c’est-à-dire définissant trop précisément une caractéristique du produit.

Le CANNABIS n’étant pas la matière première permettant de fabriquer des bières, des vins ou des spiritueux, l’imagination pouvait concevoir que le signe était régulier.

Or, ici, tel n’a pas été le cas.

Le Tribunal donnant raison à l’OHMI retient que la marque est purement descriptive du fait que le consommateur moyen, normalement avisé, peut penser qu’elle constitue une description des caractéristiques du produit.

En droit des marques communautaires, est interdit l’enregistrement de signes ou d’indications descriptifs qui conduiraient à permettre de désigner, dans le commerce, l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production, et pouvant servir dans un usage normal du point de vue du public concerné, pour désigner, soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit.

Le Tribunal se livre à une appréciation abstraite.

Il examine si le caractère descriptif de la marque, servant à désigner un produit, est évocateur.

Il recherche quelle sera la perception du produit par le consommateur moyen, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé.

Toute la question est celle de savoir si pour le consommateur, ainsi décrit, une boisson désignée par la marque « CANNABIS » décrit les caractéristiques de la boisson.

Le Tribunal retient, également par une analyse concrète des faits de l’espèce, qu’il existe un rapport effectif entre le signe « CANNABIS » et les caractéristiques des produits concernés.

Le CANNABIS est utilisé dans de nombreux produits alimentaires, notamment pour la bière et certaines autres boissons.

Il s’agit d’un terme scientifique latin largement connu dans plusieurs langues de la Communauté Européenne, de sorte que le consommateur ciblé sur le territoire communautaire, puisque telle est la vocation de la protection demandée, le comprend aisément.

Pour le consommateur, la marque « CANNABIS » évoquera cette caractéristique particulière du produit et elle s’avèrera déterminante de l’achat qu’il en fera.

Le Tribunal souligne, qu’immanquablement, la caractéristique principale que désigne la marque est déterminante pour le consommateur qui sera attiré par l’obtention de sensations similaires à celles qu’il obtiendrait en consommant du CANNABIS.

Cette décision peut être admise.

Il s’agit pourtant d’un cas particulier.

Qu’en aurait-il été si l’enregistrement de la marque avait été demandé pour des boissons insusceptibles de contenir du chanvre ?

Le caractère descriptif aurait fait défaut et la marque aurait pu être régulièrement enregistrée.

Il est permis d’en douter car, même si le Tribunal ne l’indique pas, un signe peut être considéré comme insusceptible de constituer une marque dès lors qu’il présente un danger pour la sécurité publique ou est attentatoire aux bonnes mœurs.

Une telle marque ne ferait elle pas l’apologie de la consommation de ce stupéfiant interdit dans de nombreuses législations ?

Ce moyen n’a pas été retenu, de sorte que si une nouvelle tentative d’enregistrement était faite pour des produits insusceptibles de contenir du chanvre, la position jurisprudentielle pourrait rester identique mais motivée sur cet autre fondement.

Ainsi, par exemple, pour des vêtements qui y contiendraient du chanvre.

Outre le fait que nos instances communautaires ne semblent pas priserle CANNABIS, il apparaît que le signe était suffisamment évocateur pour faire espérer à son titulaire d’importants bénéfices sur le plan économique.

En effet, poursuivre une telle procédure, eu égard à son coût, est très explicite.

Un appel devant la Cour de Justice des Communautés est possible.

Peut-être sera-t-il tenté encore qu’il apparaît, au regard de la motivation des premiers juges, peu probable qu’elle prospère.
Michel DESILETS
SCP CEVAER-DESILETS-ROBBE,
Avocats au Barreau de Villefranche S/S et Lyon

Les garanties en matière de construction – Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais, n°770, 27/05/2010)

Souvent, le mot garantie est employé sans pour autant que les maîtres d’ouvrage, c’est-à-dire les personnes qui font construire et qui, à terme, seront propriétaires du bien, en maîtrise le sens.

Un petit rappel s’impose.

Qui dit garantie ne dit pas forcément intervention de l’assurance.

En effet le constructeur est tenu à certaines garanties.

La garantie de bon fonctionnement fait peser, pendant deux ans, sur le constructeur l’obligation de parfaitement fonctionnement de tous les éléments d’équipement.

Il faut entendre par là les éléments dissociables d’un ouvrage, c’est-à-dire du gros œuvre comme par exemple, des enduits muraux, un faux plafond ou encore un parquet.

Il s’agit d’éléments démontables ou qui peuvent être remplacés sans que le gros œuvre n’en soit affecté, autrement dit que le bien qu’ils équipent ne soit détérioré.

En pratique, si l’un de ces éléments présente un problème dans son comportement ou sa solidité durant cette période initiale de deux ans à compter de la réception de l’ouvrage, le constructeur doit intervenir pour en opérer le changement.

La garantie de parfait achèvement, autre garantie due par le constructeur ne se confond pas avec la garantie de bon fonctionnement.

Elle concerne la réparation des dommages qui surviendraient, quelque soit d’ailleurs leur importance, postérieurement à la réception et dans l’année de celle-ci, ou ayant fait l’objet de réserves au moment de l’établissement du procès-verbal de réception, lorsque le constructeur livre l’ouvrage achevé au propriétaire.

Cette garantie de parfait achèvement est due par l’entrepreneur dont les travaux sont affectés de dommages.

A côté de ces deux principales garanties dues par le constructeur peuvent également jouer les assurances obligatoires de celui-ci.

Tout constructeur a l’obligation d’être assuré auprès d’une compagnie notoirement solvable.

Le défaut d’assurance peut être sanctionné tant civilement, par l’allocation de dommages et intérêts que pénalement.

Ce type d’assurance est principalement de deux ordres.

La garantie décennale conduit le constructeur à garantir son ouvrage au moins 10 ans.

Sur cette longue période,  le constructeur peut notamment disparaitre.

Que le constructeur existe encore ou non, la garantie décennale doit jouer.

La responsabilité décennale est mise en jeu en cas de désordre compromettant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, c’est-à-dire que les dommages doivent rendre le bien inhabitable ou dans l’impossibilité de servir à l’usage auquel il était destiné.

C’est le cas d’une destruction partielle ou d’un ouvrage menaçant ruine, par exemple.

Le constructeur répond enfin, dans le cadre d’une responsabilité plus classique de tout dommage causé à autrui qu’il s’agisse du maître d’ouvrage ou d’un tiers dans le cadre de l’exécution de sa tâche.

Il doit en réparer les conséquences.

La responsabilité civile peut être générée dans le cadre d’une responsabilité contractuelle, au quel cas, le constructeur doit réparer le préjudice résultant de l’inexécution d’une obligation qu’il a souscrite par contrat.

Mais, il peut aussi être retenu dans les liens de sa responsabilité délictuelle, c’est-à-dire en dehors de contrat de par sa seule faute.

Il doit alors, en tant qu’auteur du dommage, en réparer les conséquences en indemnisant la victime.

Tel pourrait être par exemple le cas d’une grue qui s’effondre sur un chantier affectant l’immeuble voisin ou d’un camion qui provoque des dégâts au mur de clôture limitrophe.

C’est pourquoi, avant de faire réaliser des travaux ou d’entreprendre une construction, il est essentiel de vérifier l’effectivité de l’assurance du maître d’œuvre ou constructeur.

Il doit délivrer à son client une attestation fournie par la Compagnie précisant les références du contrat et l’activité pour laquelle il est garantit.

Si le moindre doute persiste, des vérifications pourront ainsi être opérées avant le début du chantier et même avant la signature du contrat auprès de la compagnie.

Michel DESILETS,
Avocat au Barreau de VILLEFRANCHE SUR SAONE

Randonneurs et Propriétés Privées – Monsieur le Bâtonnier DESILETS (Le Patriote Beaujolais, N°788, Jeudi 30/09/2010, p.10)

La course à pied ou jogging, la randonnée pédestre et le VTT se sont considérablement développés ces dernières années.

Les adeptes de ces sports de plein air aiment l’espace et sont amenés à emprunter ou à traverser consciemment ou non des propriétés privées.

Cette situation peut avoir des conséquences en terme de responsabilité tant pour le pratiquant que pour le propriétaire.

L’article 544 du Code civil fait de la propriété privée l’un des droits fondammentaux de la personne humaine.

Ce droit est absolu pourvu que l’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et réglements.

Ainsi, un propriétaire doit donner son accord pour que son terrain soit emprunté par des randonneurs ou autres sportifs.

Toutefois dans la plupart des cas cela est impossible et les différents espaces ne peuvent être surveillés.

C’est pourquoi si le propriétaire n’indique pas expressément qu’il est interdit de pénétrer sur sa propriété sa responsabilité pourra être mise en œuvre.

Ainsi, en est-il du sportif qui se blesserait sur son terrain, par exemple un randonneur blessé par des chutes de pierres.

La responsabilité du propriétaire est draconnienne car il s’agit d’une responsabilité sans faute.

En droit, le propriétaire est responsable de la chose à l’origine du dommage puisqu’il est, par une fiction juridique, gardien de son comportement.

Il ne pourra s’exonérer de sa responsabilité qu’en prouvant l’intervention d’une cause étrangère ou un cas de force majeure, démonstration très difficile à faire.

La jurisprudence dans une large mesure reconnaît aux usagers des terrains privés non clos une tolérance de passage.

Ainsi, peuvent-ils rechercher en cas de dommage, la responsabilité du propriétaire, même s’ils n’ont pas été expressément autorisés à pénétrer sur son terrain.

Il y a là une sorte d’injustice pour le propriétaire qui sans avoir rien fait, endosse une responsabilité qui peut être lourde de conséquence.

C’est pourquoi des règles ont été adoptées pour limiter la responsabilité des propriétaires de terrains privés utilisés par les randonneurs.

Toutefois, ces limitations sont peu nombreuses.

Tel est le cas lorsqu’une servitude de passage est instaurée par la Loi, par exemple, pour les propriétaires en montagne qui doivent accepter le passage des pistes de ski ou autres voies d’escalade (Code du tourisme, article L 342-20).

De même, les propriétaires de bord de mer doivent laisser une bande de trois mètres pour permettre le passage.

Tel est le cas également des propriétaires de terrains, voies et chemins devant être traversés pour permettre un accès pour les piétons au littoral (Code de l’Urbanisme, article L 160-6).

Dans ces conditions, hormis ces quelques exemples particuliers, la responsabilité du propriétaire reste le principe et ce dernier sauf à prendre les mesures élémentaires rappelées ci-dessus (paneautage et clôture), peut voir sa responsabilité recherchée.

Mais, le propriétaire d’un site traversé peut déléguer sa responsabilité au travers d’un contrat avec une structure, associative ou autre, chargé de son exploitation.

Dès lors, sa responsabilité sera transférée.

Il peut encore préférer, si le risque est important, transférer la garde du terrain à une collectivité territoriale.

Il n’aura plus à faire la « police » sur sa propriété avec les différents usagers cités ci-dessus ou  même des pêcheurs ou des chasseurs.

En conclusion, l’accès des particuliers exerçant des activités sportives de nature prime le droit des propriétaires de terrains privés.

La propriété privée ne semble plus exister que pour tenir un éventuel responsable en cas de nécessité tandis que dans la pratique des activités de plain air, le terrain privé devient de fait un bien de nature collective.

C’est pourquoi, des mesures simples peuvent être prises par les uns et les autres pour éviter des difficultés ou un contentieux à l’issue incertaine.

Les propriétaires peuvent délimiter leur propriété et informer aux points de passage de la nature privée des terrains traversés.

Les sportifs de nature peuvent également s’inquiéter de la prise en charge par leur assurance en cas de sinistre.

Maître Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône

Nuisances sonores et olfactives : un exemple de trouble anormal de voisinage – Me DESILETS – Patriote Beaujolais n° 805 du 27.01.2011

Un particulier se plaignait du bruit et des odeurs lors du démarrage des camions de son voisin, dirigeant une entreprise de transport.

Son habitation, située en zone pavillonnaire subissait des nuisances le vendredi soir au retour des tracteurs et remorques et le lundi matin au démarrage de ceux-ci.

Agissant devant le Tribunal de Grande Instance de COLMAR, il obtint satisfaction.

Le transporteur saisit la Cour d’Appel et réitéra son argumentation.

Il soutenait avoir changé le lieu principal de son activité s’étant implanté sur un autre site, depuis deux ans.

Les véhicules encore présents, étaient limités en nombre et s’expliquaient par la volonté de faire échec aux vols qui se produisaient à l’entrepôt dans la zone industrielle.

Ainsi, tentait-il de faire échec au rapport d’un technicien consulté par son adversaire qui concluait à une émergence sonore dépassant les seuils autorisés lors des démarrages matinaux des poids lourds.

Nonobstant le déménagement de l’entreprise, la Cour retient que les conclusions du rapport acoustique reste valable, 5 à 6 camions stationnant du vendredi soir au lundi matin de manière régulière devant ce qui était resté le domicile du PDG et le siège social de l’entreprise.

Mais surtout, la Cour retient que les démarrages se produisaient à partir de 6h30 le lundi matin, les nuisances s’accentuant du fait du temps de chauffe des moteurs de l’ordre de 20 minutes, la nouvelle voie rapide contournant l’agglomération rendant le quartier encore plus paisible, puisqu’il ne recevait plus qu’une desserte locale.

L’argument est imparable.

En effet, en matière de nuisances sonores, les seuils retenus tiennent compte du bruit ambiant.

Ainsi, un bruit de même intensité peut à la fois constituer un trouble dans un secteur calme et silencieux, et ne pas en constituer un, s’il est entendu dans un endroit d’intense activité.

L’émergence sonore est importante dans le premier cas et faible dans le second.

Le caractère anormal du trouble résultera de l’ampleur de cette émergence.

Curieusement, la Cour ne motive pas sur la seconde nuisance invoquée, l’odeur des gaz d’échappement.

Or, notre époque est sensible aux émissions de CO2, notamment des puissants moteurs diesel.

La Cour aurait pu également l’invoquer mais peut-être ne disposait-elle pas d’éléments suffisants.

Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche

Liberté d’expression : devoir de mémoire et de précision – Me Michel DESILETS – (Le Patriote Beaujolais N°809 du 24 Février 2011)

Liberté d’expression : devoir de mémoire et de précision

Pour relater l’histoire sans la déformer, l’historien doit l’illustrer avec des éléments d’époque, sans pouvoir, même par inadvertance les détacher de leur contexte.

A défaut, il s’expose à la critique et à la sanction.

Le Centre de la Mémoire d’Oradour-sur-Glane l’a également appris à ses dépens, à l’occasion d’une exposition permanente.

Les faits étaient simples et aucune mauvaise foi ne pouvait être reprochée aux initiateurs de l’exposition.

Celle-ci comprenait une photographie montrant un industriel français en présence du chancelier allemand HITLER et de GOERING, en charge de la propagande sous le libellé : « la collaboration des entreprises ».

Ainsi, la photographie était censée montrer pendant l’occupation la collaboration de certaines forces vives de la nation avec le régime nazi.

Le commentaire se poursuivait en attribuant aux sociétés gérées par l’industriel l’activité de fabrication de blindés pour l’occupant.

Cette présentation était suivie pour les visiteurs du rappel des atrocités commises par les nazis au mois de juin 1944 après le débarquement en Provence.

Tout naturellement, les visiteurs liaient les deux évènements rendant le second possible du fait du premier.

Les ayants droit de l’industriel ont agi en référé, au motif que l’expression donnée à la photographie était abusive.

L’argument paraissait audacieux au point qu’il n’a pas convaincu les premiers juges.

Il en alla tout différemment en appel.

En effet, la photographie avait été prise avant l’ouverture des hostilités, alors que la France et l’Allemagne étaient encore en paix, les accords de Munich venant d’être signés.

L’illustration avait été réalisée au salon de l’automobile de Berlin.

Il n’y avait encore aucun accord entre l’Allemagne nazie et les sociétés gérées par l’industriel photographié.

Dans ces conditions, le Centre pour la Mémoire d’Oradour-sur-Glane ne pouvait qu’être objectivement condamné par la Cour d’Appel de Limoges.

Son arrêt retient que le visiteur ne disposant pas de manière générale de connaissances historiques approfondies, les mentions figurant sous la photographie assorties de leurs commentaires dénaturent les faits.

Le préjudice porté à la mémoire de l’industriel et à ses ayants droit constitue un trouble manifestement illicite.

En conséquence, le retrait de la photographie en cause et de son commentaire a été ordonné sous astreinte.

L’argument des premiers juges suivant lequel il pouvait être démontré que postérieurement, les usines de l’industriel en question avaient effectivement participé dans le cadre de la collaboration ce qui exclurait ainsi tout risque de confusion et d’amalgame même si la photographie a été prise à une époque où de tels reproches ne pouvait lui être fait, n’est pas retenu.

Juridiquement la décision de la Cour d’appel se justifie parce qu’elle s’attache à resituer une vérité historique.

Elle permet de rappeler que les informations doivent toujours être vérifiées et ne pas être diffusées avec désinvolture ou négligence.

Ainsi une photographie sortie de son contexte ne peut venir confirmer des faits même exacts qui se sont produits après à sa réalisation.

Michel DESILETS
Avocat au barreau de Villefranche