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Jeu concours publicitaire : qui gagne… perd ! – Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais, n°709, 26/03/2009)

Les consommateurs que nous sommes sont régulièrement accrochés, dans le cadre de publicité, par des annonces de gain présentant l’heureux gagnant comme désigné par le hasard sans qu’il n’ait eu à faire aucune démarche.

Se renseignant, l’intéressé découvre qu’il n’a en réalité rien gagné, et se trouve dépité lorsqu’il comprend la logique, non évidente, du jeu ou la minuscule clause qui le transforme en « dindon de la farce ».

Qu’on se rassure, de telle déconvenue arrive aussi à des gens versés dans la matière juridique.

Le destinataire d’un jeu publicitaire, certain d’avoir gagné, a sollicité l’attribution de son lot : un séjour dans une ville touristique européenne.

L’organisateur lui refusa, prétextant que l’offre n’était pas nominative et qu’elle était soumise à conditions.

Le règlement du jeu prévoyait de surcroît l’organisation d’un tirage au sort.

Il a alors saisi le Tribunal de Grande Instance en attribution de son lot, mais a été débouté de sa demande.

Il soutenait que la société s’était irrévocablement engagée à son encontre sur le fondement juridique de l’existence d’un quasi contrat.

Aux termes de ce principe, il expliquait qu’une proposition lui avait été faite et qu’il lui suffisait de l’accepter pour se retrouver lié avec le proposant.

Au contraire, la société organisatrice du jeu soutenait que l’attribution du gain était soumise à l’aléa qui se manifestait par l’organisation d’un tirage au sort.

Dès lors, elle ne pouvait être engagée irrévocablement sur la base d’un quasi contrat.

En réalité, l’intéressé était non pas l’heureux gagnant du tirage au sort, mais « l’heureux gagnant » du droit de participer au tirage au sort.

Ne désarmant pas, il fit appel et précisa encore que la pratique dont il avait été victime était trompeuse et interdite par les dispositions de l’article L. 121-1 du Code de la Consommation qui prohibe notamment les publicités sur un bien ou service inexistant ou indisponible.

La proposition faite correspondait selon lui à une offre inexistante et il avait ainsi été induit en erreur.

La Cour d’Appel lui répond à nouveau que tel n’est pas le cas.

Son arrêt retient que les gains ou cadeaux étaient soumis à des conditions d’attribution aléatoires rappelées par le règlement.

Aucun risque de tromperie à l’égard du consommateur d’attention moyenne n’apparaissait.

L’attendu principal était le suivant :

« au regard des pratiques commerciales trompeuses visées par l’article L 121-1 du Code de la consommation, dans la mesure où l’offre de remise de voyage à Venise, associée sous forme de deux à une vente par correspondances, est par nature hypothétique et réservé à un destinataire non encore tiré au sort, seul qualifié formellement de gagnant, il importe peu que l’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service, ne soit pas indiquée dans la promotion publicitaire. De même, il importe peu que l’information substantielle quant à la nature du lot fasse défaut au moment où elle parvient à un consommateur qui, par définition, ne peut être considéré comme le gagnant attributaire du lot litigieux, et par conséquent, le bénéficiaire du service ».

Autrement dit, le gagnant n’a pas été trompé mais s’est lui-même trompé.

Il s’agissait au surplus, ce que l’Arrêt relève, d’un professionnel du droit, donc d’une personne spécialement plus sensible aux dérives possibles des loteries publicitaires.

Toutefois, même si la qualité du plaignant avait été autre, il est fort probable que la décision eut été la même.

Manifestement, les loteries ou les jeux concours publicitaires, souvent effectués par des sociétés de vente par correspondance, ont encore de beaux jours devant eux.

En conclusion, il faut retenir qu’il n’y a gain que s’il est accompagné de l’attribution nominative du gain, à l’exclusion de toute condition et en l’absence de référence à un quelconque tirage au sort.

C’est toute l’ambigüité de ce genre de pratiques à l’encontre desquelles la vigilance s’impose.

Rappelons encore que toute offre de participer à un tirage ou à un jeu, à condition de commander ou d’acheter un bien ou service, est prohibée (article L. 121-36 du Code de la consommation).

C’est pourquoi, ces jeux concours sont gratuits pour rester légaux.

Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche sur Saône