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Divorce : quelles conséquences en cas de déclaration sur l’honneur inexacte? – Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais n°692, 27/11/2008)

La disposition du Code Civil, notamment l’article 272 issu de la loi du 30 juin 2000, oblige les parties engagées dans une procédure de divorce à produire une déclaration sur l’honneur mentionnant les composantes de leur patrimoine en capital et en revenu, afin de permettre au Juge d’apprécier leur condition de vie.

La Cour de Cassation avait considéré cependant que la production de ces déclarations sur l’honneur était facultative.

La recevabilité de la demande de prestation compensatoire, c’est-à-dire l’indemnité compensatrice des disparités de train de vie qui résulteraient, pour un des conjoints de la rupture du lien conjugal, n’en dépendait pas.

La Cour de Cassation considérait même que le Juge ne pouvait se fonder sur l’absence ou le refus de production de la déclaration sur l’honneur, pour refuser de prendre en compte l’argumentation de l’époux s’étant abstenu de produire cette attestation.

Progressivement, un certain laxisme s’installait et les déclarations sur l’honneur étaient produites au gré des intérêts ou du sérieux des parties.

Cependant, la Cour de Cassation, de façon inattendue, alors qu’elle avait en quelque sorte « allégé » le principe de la production de la déclaration sur l’honneur, a rendu récemment un arrêt sanctionnant un plaideur ayant procédé à une déclaration sur l’honneur mensongère.

Un ex-mari avait formé un recours en révision, c’est-à-dire une demande exceptionnelle destinée à reconsidérer une décision définitive, qui avait octroyé à son épouse une prestation compensatoire.

Il fondait sa revendication sur la fraude de son ex-épouse qui avait dissimulé au Juge, dans sa déclaration sur l’honneur, le fait qu’elle était propriétaire d’un studio.

Cela se comprend aisément car la personne propriétaire d’un bien immobilier est dans une situation moins défavorable qu’une personne n’ayant aucun patrimoine de ce type.

Pourtant, la Cour d’Appel avait déclaré irrecevable le recours en révision car le mensonge avéré ne revêtait pas un caractère suffisamment frauduleux tel qu’exigé dans le cadre des dispositions du code de procédure civile pour justifier un recours en révision.

La Cour d’Appel avait en outre considéré que cette omission n’avait pas déterminé la décision ayant fixé la prestation compensatoire.

Autrement dit, même si le bien avait été déclaré, la fixation de la prestation compensatoire n’aurait pas été différente.

Saisie d’un pourvoi par l’ex-mari, la Cour de Cassation censure l’arrêt d’appel.

Elle précise que le recours en révision est ouvert s’il se révèle après le jugement que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue.

La Cour de Cassation relève que la Cour d’Appel ne pouvait pas statuer comme elle l’a fait alors que le patrimoine est un élément d’appréciation expressément prévu par la loi dont le juge doit tenir compte pour fixer la prestation compensatoire.

Ainsi, la dissimulation par l’épouse de l’existence d’un patrimoine immobilier lui appartenant était nécessairement déterminante dans la fixation de la prestation compensatoire.

L’époux tenu à la prestation compensatoire triomphe dans sa demande de révision en vue d’obtenir la suppression de celle-ci.

Cette décision doit être approuvée.

Elle redonne un intérêt certain à l’obligation de produire une déclaration sur l’honneur exacte comme la Loi le prévoit.

Au passage, il est satisfaisant de constater que l’honneur n’est pas une notion totalement vidée de sa substance.

Cependant, à bien y regarder de près, la jurisprudence de la Cour de Cassation reste bancale.

En effet, la situation au regard de la jurisprudence  applicable est qu’il vaut mieux s’abstenir de produire une attestation sur l’honneur, auquel cas il n’y a pas de sanction, que de produire une attestation inexacte qui peut générer une décision frauduleuse et faire encourir à son auteur une sanction lourde.

Il y a là une distorsion qui est regrettable.

Il y a parfois dans le droit des subtilités liées aux cas d’espèces.

Un prochain arrêt de la Cour de Cassation viendra peut être résoudre cette distinction fâcheuse.

Quoi qu’il en soit, pour l’heure, la prudence commande non seulement de produire la déclaration sur l’honneur mais encore de la remplir de façon tout à fait précise et exacte, ne serait-ce que pour éviter les surprises à retardement.

Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche sur Saône