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Avis d’appel à concurrence : du devoir d’information de l’Administration – Maître François ROBBE (Le Patriote Beaujolais n°688, 30/10/2008)

Lorsqu’elle émet un avis d’appel à concurrence en vue de l’attribution d’un marché public, l’autorité administrative est tenue de délivrer une information suffisamment précise sur les caractéristiques de l’opération envisagée.

Il en va du respect des principes de libre concurrence qui est à la base du droit de la commande publique : les entreprises potentiellement intéressées ne peuvent faire acte de candidature dans des conditions normales, si elles n’ont pas une connaissance suffisante des exigences techniques auxquelles elles devront se conformer dans la rédaction de leurs offres. Il leur est d’ailleurs matériellement impossible de présenter une offre sérieuse si l’Administration ne divulgue pas les caractéristiques essentielles de l’opération.

Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de le rappeler le 8 août 2008, en validant une ordonnance rendue par le Juge des référés du Tribunal Administratif de Dijon le 15 juin 2007.

Dans cette affaire, une collectivité locale avait lancé une procédure d’appel à concurrence en vue de l’attribution d’un marché de service. Mais le cahier des clauses techniques particulières était particulièrement flou en ce qui concerne le contenu de certaines des prestations attendues : s’agissant de la tranche conditionnelle du lot n° 2 de ce marché, le cahier indiquait que le contenu des prestations à réaliser serait communiqué ultérieurement, en fonction de prescriptions techniques qui seraient formulées en temps utile par le ministère de l’économie et des finances.

Le Conseil d’Etat estime que le Juge des référés du Tribunal de Dijon a pu légitimement annuler la procédure de passation du marché en cours, sur le fondement de l’article L 551-1 du code de justice administrative.

Cet article permet à toute entreprise intéressée de saisir le Juge administratif des référés, avant même la signature du marché, lorsqu’elle estime que l’Administration s’est affranchie des règles de passation des marchés publics. La saisine du Juge des référés suspend la signature du contrat. Si les irrégularités sont avérées, le Juge peut annuler la procédure en cours et imposer à l’Administration d’organiser une nouvelle procédure conforme aux textes.

Un défaut de transparence peut ainsi être sanctionné de manière rapide et efficace par le Juge. Il en va de la crédibilité même du code des marchés publics : il est vrai que si les informations délivrées aux entreprises manquent de précisions, il pourrait en résulter, dans certains cas, un avantage pour des entreprises initiées bénéficiant d’un accès privilégié aux données manquantes. De plus, nul ne saurait s’engager avec l’Administration sans connaître à l’avance la nature et l’importance des prestations à fournir en cas d’attribution du marché.

Il appartient donc aux pouvoirs adjudicateurs de définir précisément leurs besoins – et de les formuler dans les avis d’appel à concurrence. Il en va de la légalité de la procédure dans son ensemble.

Maître François ROBBE
Avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône

Divorce : quelles conséquences en cas de déclaration sur l’honneur inexacte? – Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais n°692, 27/11/2008)

La disposition du Code Civil, notamment l’article 272 issu de la loi du 30 juin 2000, oblige les parties engagées dans une procédure de divorce à produire une déclaration sur l’honneur mentionnant les composantes de leur patrimoine en capital et en revenu, afin de permettre au Juge d’apprécier leur condition de vie.

La Cour de Cassation avait considéré cependant que la production de ces déclarations sur l’honneur était facultative.

La recevabilité de la demande de prestation compensatoire, c’est-à-dire l’indemnité compensatrice des disparités de train de vie qui résulteraient, pour un des conjoints de la rupture du lien conjugal, n’en dépendait pas.

La Cour de Cassation considérait même que le Juge ne pouvait se fonder sur l’absence ou le refus de production de la déclaration sur l’honneur, pour refuser de prendre en compte l’argumentation de l’époux s’étant abstenu de produire cette attestation.

Progressivement, un certain laxisme s’installait et les déclarations sur l’honneur étaient produites au gré des intérêts ou du sérieux des parties.

Cependant, la Cour de Cassation, de façon inattendue, alors qu’elle avait en quelque sorte « allégé » le principe de la production de la déclaration sur l’honneur, a rendu récemment un arrêt sanctionnant un plaideur ayant procédé à une déclaration sur l’honneur mensongère.

Un ex-mari avait formé un recours en révision, c’est-à-dire une demande exceptionnelle destinée à reconsidérer une décision définitive, qui avait octroyé à son épouse une prestation compensatoire.

Il fondait sa revendication sur la fraude de son ex-épouse qui avait dissimulé au Juge, dans sa déclaration sur l’honneur, le fait qu’elle était propriétaire d’un studio.

Cela se comprend aisément car la personne propriétaire d’un bien immobilier est dans une situation moins défavorable qu’une personne n’ayant aucun patrimoine de ce type.

Pourtant, la Cour d’Appel avait déclaré irrecevable le recours en révision car le mensonge avéré ne revêtait pas un caractère suffisamment frauduleux tel qu’exigé dans le cadre des dispositions du code de procédure civile pour justifier un recours en révision.

La Cour d’Appel avait en outre considéré que cette omission n’avait pas déterminé la décision ayant fixé la prestation compensatoire.

Autrement dit, même si le bien avait été déclaré, la fixation de la prestation compensatoire n’aurait pas été différente.

Saisie d’un pourvoi par l’ex-mari, la Cour de Cassation censure l’arrêt d’appel.

Elle précise que le recours en révision est ouvert s’il se révèle après le jugement que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue.

La Cour de Cassation relève que la Cour d’Appel ne pouvait pas statuer comme elle l’a fait alors que le patrimoine est un élément d’appréciation expressément prévu par la loi dont le juge doit tenir compte pour fixer la prestation compensatoire.

Ainsi, la dissimulation par l’épouse de l’existence d’un patrimoine immobilier lui appartenant était nécessairement déterminante dans la fixation de la prestation compensatoire.

L’époux tenu à la prestation compensatoire triomphe dans sa demande de révision en vue d’obtenir la suppression de celle-ci.

Cette décision doit être approuvée.

Elle redonne un intérêt certain à l’obligation de produire une déclaration sur l’honneur exacte comme la Loi le prévoit.

Au passage, il est satisfaisant de constater que l’honneur n’est pas une notion totalement vidée de sa substance.

Cependant, à bien y regarder de près, la jurisprudence de la Cour de Cassation reste bancale.

En effet, la situation au regard de la jurisprudence  applicable est qu’il vaut mieux s’abstenir de produire une attestation sur l’honneur, auquel cas il n’y a pas de sanction, que de produire une attestation inexacte qui peut générer une décision frauduleuse et faire encourir à son auteur une sanction lourde.

Il y a là une distorsion qui est regrettable.

Il y a parfois dans le droit des subtilités liées aux cas d’espèces.

Un prochain arrêt de la Cour de Cassation viendra peut être résoudre cette distinction fâcheuse.

Quoi qu’il en soit, pour l’heure, la prudence commande non seulement de produire la déclaration sur l’honneur mais encore de la remplir de façon tout à fait précise et exacte, ne serait-ce que pour éviter les surprises à retardement.

Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche sur Saône

Un peu d’ordre dans les contrats d’utilisation de biens à temps partagé – Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais, 26/02/2009)

Ces types de contrats, dans lesquels des particuliers achetaient sur un immeuble la possibilité de l’occuper durant une période de l’année dans le cadre d’une multipropriété, ont donné lieu à de nombreux abus.

Certaines affaires, notamment dans le sud de l’Europe, ont défrayé la chronique.

Il était, par ailleurs, extrêmement difficile, sinon impossible, de revendre un droit partiel d’occupation lequel donnait souvent lieu à des charges importantes, non prévues ou occultées initialement.

Différentes règlementations ont tenté de s’attaquer aux problèmes.

La difficulté était cependant qu’aucune harmonisation Européenne ne se dessinait.

C’est maintenant chose faite avec la directive 122/2008 du 14 janvier 2009, publiée au Journal Officiel des Communautés du 03 février 2009.

Cette directive incitent les états membres à harmoniser leur législation en la matière en rendant obligatoires différentes dispositions.

C’est ainsi que les réglementations des états membres doivent renforcer la protection des consommateurs en ce qui concerne certains aspects des contrats d’utilisation de biens à temps partagés, des contrats de produits de vacances à long terme et des contrats de reventes et d’échanges.

Le texte Européen prévoit les conditions commerciales qui doivent présidées à l’utilisation des biens à temps partagés ou produits de vacance à long terme qui se définissent comme ceux d’une durée de plus d’un an.

Ces dispositions permettent aux consommateurs de prendre connaissance des informations précontractuelles, des droits et obligations des contrats et des possibilités de rétractation, de façon claire et compréhensible.

Il y a là un net progrès.

La directive demande à ce que le consommateur puisse bénéficier d’une prolongation du délai de rétractation si l’information pertinente n’a pas été fournie par les opérateurs professionnels.

L’exercice de ce droit à la rétractation ne peut qu’être gratuit et cela quelque soit les services dont le consommateur a pu bénéficier.

Au surplus, et c’est là que la directive est rigoureuse, l’expiration du délai de rétraction n’interdit pas aux consommateurs d’exercer des recours en cas de manquements aux exigences en matière d’information de la part de son vendeur.

Cette réglementation européenne permet de garantir une protection équivalente dans l’ensemble des pays de l’Union Européenne.

Cette directive prévoit même que la loi d’un pays, tiers à l’Union Européenne, peut être applicable lorsque le consommateur en est issu et pour le cas où cette législation lui serait plus favorable.

Il s’agit là d’un réel progrès qui devrait inciter ce secteur à plus de rigueur.

Les offres devront être plus structurées et la réflexion et l’accord des acquéreurs potentiels ne pourront pas être surpris ou précipités.

Cette arme devrait montrer une efficacité remarquable car, même si la directive n’est pas transcrite en droit interne dans les différents pays, elle est en fonction même des dispositions générales du droit communautaire directement invocable et applicable par l’ensemble des sujets de droit.

Cela signifie qu’une juridiction nationale sera tenue d’appliquer la directive et ce même si la loi interne est moins favorable ou contraire.

Ces mesures de protection étaient attendues.

Elles sont l’illustration de ce que le droit européen peut légalement être source d’indéniable de progrès à la défense des droits des consommateurs.

Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche sur Saône

Fumer peut gravement nuire… au maintien de son emploi – Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais n°683, 25/09/2008)

Le 1er juillet 2008 la Cour de Cassation a rendu plusieurs arrêts sanctionnant des salariés pour avoir fumé sur leurs lieux de travail.

On pourrait penser qu’il s’agit d’une conséquence de la loi récente interdisant de fumer dans les lieux accueillant du public, ou d’une nouvelle atteinte « hygiéniste » aux libertés individuelles.

Or, à l’analyse ce n’est pas le cas et les arrêts sont justifiés sur les fondements du droit du travail.

Dans deux espèces différentes, la Cour suprême a retenu que le fait de fumer dans l’entreprise constituait une faute grave.

La première décision concerne deux salariés qui avaient fumé, certes dans la salle prévue à cet effet, non pas une cigarette mais un joint.

La Cour casse l’arrêt d’appel qui avait décidé que les licenciements étaient dénués de cause réelle et sérieuse et avait condamné l’employeur au paiement de diverses sommes.

La juridiction d’appel avait retenu que si la réalité d’une consommation de substance illicite par les salariés au sein de l’établissement était établie, il appartenait à l’employeur de rappeler l’interdiction de fumer un « joint » par la notification préalable d’une sanction.

Au surplus, s’agissant d’un fait isolé, la perte d’emploi immédiate, sans mise en garde, apparaissait disproportionnée.

Cette décision est réformée, la Cour de Cassation retenant que la commission d’un fait fautif isolé peut justifier un licenciement, sans qu’il soit nécessaire qu’il ait donné lieu à un avertissement préalable.

La seconde décision est relative à un salarié d’une cartonnerie qui avait été surpris en train de fumer dans la salle de repos de l’entreprise.

Le règlement intérieur édictait une interdiction générale de fumer dans l’entreprise, la cartonnerie étant une installation classée, soumise à des impératifs renforcés de sécurité.

La Cour de Cassation approuve ici l’arrêt d’appel qui était soumis à sa censure.

Les arguments invoqués par le salarié, depuis 25 ans dans l’entreprise étaient que :

–      il avait fumé librement jusqu’au 1er janvier 2003, comme tous les fumeurs de l’entreprise, dépendant du tabac, sans possibilité de sortir de l’entreprise pendant son temps de pause pour aller « griller une cigarette » à l’extérieur,
–      l’employeur avait même refusé la mise en place d’un espace spécialement réservé aux fumeurs, ni n’avait pris d’initiative pour aider ses salariés dans le cadre d’une aide au sevrage.

Peine perdue, ces arguments sont rejetés.

Pour la Haute Juridiction, le salarié avait délibérément violé une interdiction générale de fumer portée à sa connaissance par affichage et par de nombreux panneaux disposés dans l’entreprise, ainsi que par une note interne de rappel mentionnant les sanctions encourues.

Le licenciement pour faute grave est donc confirmé.

Dans une troisième décision, la Cour de Cassation sans aller jusqu’à la faute grave retient néanmoins que le fait de fumer sur son lieu de travail peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il était reproché à la salariée engagée en qualité d’aide à domicile de fumer pendant le travail, malgré l’interdiction énoncée par le règlement intérieur.

La preuve, et cela mérite d’être relevé, est rapportée par l’attestation de la responsable de la salariée, précisant l’avoir vu poser un paquet de cigarettes sur une table, dont il faut déduire qu’elle s’apprêtait à fumer.

Mais cette attestation seule aurait été insuffisante si elle n’avait été complétée par le témoignage d’une autre personne chez qui la salariée travaillait, selon laquelle la salariée fumait pendant son service.

La cour de Cassation relevant que la salariée se trouvait dans un processus d’intégration professionnelle, c’est-à-dire dans une situation de relative fragilité sociale et personnelle, n’a pas retenu à son encontre la faute grave privative de certaines indemnités.

C’est aussi l’absence d’avertissement antérieur qui conduit à la confirmation du licenciement mais seulement pour cause réelle et sérieuse.

Toutes ces décisions apparaissent parfaitement justifiées bien qu’elles puissent également paraître extrêmes dans leurs conséquences.

C’est pourquoi, la plus grande vigilance doit être recommandée, car il serait extrêmement périlleux de penser qu’on ne risque rien tant que le premier avertissement n’a pas été reçu.

C’est encore l’occasion pour les salariés de relire le règlement intérieur, et pour les employeurs d’en établir un si l’entreprise n’en possède pas encore.

Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône

Attribution de marchés publics : attention au délit de favoritisme – Maître François ROBBE (Le Patriote Beaujolais n°682, 18/09/2008)

Les entreprises qui candidatent en vue de l’attribution d’un marché public doivent être placées dans une situation de stricte égalité. A cet égard, le code pénal vient en renfort du droit des marchés publics, puisqu’il punit sévèrement –entre autres – le délit de favoritisme.

Dans ce domaine, le contrôle des juges répressifs sur les administrations et les collectivités locales est de plus en plus rigoureux. Les magistrats déjouent et sanctionnent sévèrement les manœuvres plus ou moins subtiles par lesquelles certains administrateurs tentent encore de contourner le principe de mise en concurrence.

L’arrêt rendu par la chambre criminelle de la cour de cassation ce 25 juin 2008 reflète bien l’état de la jurisprudence en la matière. Trois élus ont été condamnés respectivement pour favoritisme, complicité de favoritisme et recel de ce même délit, suite à l’attribution à une société d’économie mixte locale d’un marché public en vue de l’impression d’un bulletin d’information municipale.

Les élus mis en cause avaient tout simplement décidé d’écarter toute mise en concurrence, au motif que la SEM en question était la seule propriétaire du titre « Reflets » choisi par la municipalité pour désigner le magazine d’information communale. Au dire des élus, la mise en concurrence était impossible dès lors qu’une seule société était susceptible de répondre à leur commande.

Les juges ne se sont pas laissé abuser par cette manœuvre. Selon la Cour de cassation, le support du magazine d’information municipale ne peut être prédésigné par l’attribution de droits exclusifs. Les trois personnes mises en cause ont été condamnées à des peines d’amende significatives.

La sévérité de la Cour est justifiée en l’occurrence par l’expérience des trois élus mis en cause, qui ne pouvaient ignorer la réglementation applicable en la matière compte tenu des avertissements dont ils avaient déjà fait l’objet de la part de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF).

Cet arrêt montre que l’attribution des marchés publics est tout sauf une zone de non-droit : même si leur vigilance ne suffira jamais à écarter tous les abus, les services de l’Etat (DGCCRF) et les juges veillent attentivement au respect de la concurrence.

Maître François ROBBE
Avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône

Quand le Superflu devient chose très nécessaire…ou réflexions autour de deux arrêts d’Assemblée Plénière – Monsieur le Bâtonnier Patrick CUMIN

Ø « Attendu qu’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci ».

C’est en ces termes lapidaires que dans son arrêt d’Assemblée Plénière du 7 juillet 2006, la Cour de Cassation a procédé à l’abrogation –partielle- de l’article 1351 du Code Civil, dont la rédaction n’a pourtant pas changé d’un iota depuis la promulgation du Code Civil.

Les faits étaient très simples : un sieur X… avait assigné son frère en se prétendant titulaire d’une créance de salaire différé sur la succession de son père ; débouté au motif que son activité n’avait pas été exercée au sein d’une exploitation agricole, il avait repris sa demande sur le fondement de l’action « de in rem verso ».

La recevabilité de cette nouvelle instance semblait indiscutable, puisque reposant sur une cause juridique différente.

Et pourtant la Cour suprême a estimé « qu’ayant constaté que, comme la demande originaire, la demande dont elle était saisie, formée entre les mêmes parties, tendait à obtenir paiement d’une somme d’argent à titre de rémunération d’un travail prétendument effectué sans contrepartie financière, la Cour d’Appel en a exactement déduit que X… ne pouvait être admis à contester l’identité de cause des deux demandes en invoquant un fondement juridique qu’il s’était abstenu de soulever précédemment jugé relativement à la même contestation ».

Exit ainsi la fameuse triple identité d’objet, de cause et de parties.

Et ce qui est valable pour le demandeur l’est aussi pour le défendeur, comme l’a rappelé la Chambre Commerciale dans un arrêt du 20 février 2007 :

« Il incombe aux parties de présenter dès l’instance initiale l’ensemble des moyens qu’elles estiment de nature, soit à fonder la demande, soit à justifier son rejet total ou partiel ».

Quant à la 2e Chambre Civile, elle a, dans un arrêt du 25 octobre 2007, tiré de ce nouveau principe de concentration des moyens une conséquence pour le moins inattendue dans les circonstances de fait suivantes : un médecin avait été poursuivi devant une juridiction répressive pour blessures involontaires, mais il avait été relaxé et la partie civile déboutée. Cette dernière avait alors saisi la juridiction civile d’une nouvelle action en indemnisation fondée sur la responsabilité contractuelle du médecin. Une Cour d’Appel lui avait donné satisfaction et notamment écarté la fin de non recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée soulevée par la partie adverse en retenant que la juridiction pénale n’avait statué que sur la responsabilité délictuelle du médecin.

L’arrêt est cassé en ces termes :

« Qu’en statuant ainsi alors qu’il incombe au demandeur de présenter dès l’instance relative à la première demande l’ensemble des moyens qu’il estime de nature à fonder celle-ci et qu’elle constatait que, comme la demande originaire, la demande dont elle était saisie, formée entre les mêmes parties, tendait à l’indemnisation des préjudices résultant de l’intervention médicale, la Cour d’Appel a violé le texte sus-visé (art. 1351 du Code Civil ».

La portée de cette décision doit s’apprécier à l’aune des dispositions spécifiques de l’article 470-1 du Code de Procédure Pénale :

« Le Tribunal saisi, à l’initiative du Ministère public ou sur renvoi d’une juridiction d’instruction, de poursuites exercées pour une infraction non intentionnelle au sens des 2e, 3e et 4e alinéas de l’article 121-3 du Code Pénal, et qui prononce une relaxe demeure compétent, sur la demande de la partie civile ou de son assureur formulée avant la clôture des débats, pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuite ».

Ainsi, faute d’avoir développé devant le Juge répressif tous les moyens de nature à permettre son indemnisation, la victime se voit refuser toute nouvelle action devant la juridiction civile, et ce, au visa de l’article 1351 du Code Civil tel que revisité par la Cour de Cassation.

La leçon à tirer de l’arrêt de l’Assemblée plénière du 7 juillet 2006 est claire : le Superflu devient chose très nécessaire et le praticien ne devra plus hésiter à empiler les « subsidiaires ».

Ø Mais du moins, à défaut de bénéficier d’une seconde chance, pourra-t-il compter sur le secours préventif du Juge.

Après tout, l’article 12 du Code de Procédure Civile n’énonce-t-il pas, en forme de truisme, qu’il (le juge) « tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ».

Si donc les parties ont avancé un fondement juridique inadéquat, n’est-il pas tenu de leur « sauver la mise » en restituant le fondement approprié, et en tranchant ainsi le litige « conformément aux règles de droit qui lui sont applicables » (sauf à respecter le principe du contradictoire).

C’est ici qu’intervient le second arrêt d’Assemblée plénière rendu le 21 décembre 2007 dans une espèce assez classique : une partie avait assigné son garagiste sur le fondement de la garantie des vices cachés. Elle avait été déboutée, et le pourvoi en cassation reprochait à la Cour d’Appel, tenue de donner ou de restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux de n’avoir pas recherché si l’action pouvait être fondée sur un manquement à l’obligation de délivrance.

L’Assemblée plénière rejette le pourvoi en ces termes :

« Attendu que si, parmi les principes directeurs du procès, l’article 12 du Nouveau Code de Procédure Civile oblige le juge à donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, il ne lui fait pas obligation, sauf règle particulière, de changer la dénomination ou le fondement juridique de leurs demandes ; qu’ayant constaté, par motifs propres et adoptés, qu’avait été saisie d’une demande fondée sur l’existence d’un vice caché dont la preuve n’était pas rapportée, la Cour d’Appel, qui n’était pas tenue de rechercher si cette action pouvait être fondée sur un manquement du vendeur à son obligation de délivrance d’un véhicule conforme aux stipulations contractuelles, a légalement justifié sa décision de ce chef ».

Parmi les arguments avancés par l’Avocat général en faveur de la solution retenue figurait la crainte de voir engager la responsabilité du Juge, crainte qu’il formulait en ces termes :

« Une telle obligation générale d’examiner tous les moyens de droit ayant vocation à fonder la demande pourrait permettre, dans biens des cas, d’engager la responsabilité du Juge pour manquement à cette obligation.

A un moment où, précisément, est remise en avant la responsabilité du Juge et où a été évoquée la possibilité de l’étendre sous certaines conditions à l’activité juridictionnelle elle-même, on ne peut pas sous-estimer les conséquences qu’une telle obligation générale pourrait engendrer et les risques de recours multiples qu’elle pourrait susciter ».

Il est vrai qu’il eût été assez piquant de voir un plaideur rechercher la responsabilité in solidum de son avocat et de son juge, le premier pour n’avoir pas tout dit, le second pour avoir laisser faire.

En l’état, et pour ce qui concerne le « nouvel et inchangé » article 1351 du Code Civil, la boucle est bouclée : le praticien fera bien de ne compter que sur lui-même….., sans perdre de vue que « le juge peut relever d’office la fin de non recevoir tirée ….. de la chose jugée » (art. 125 al. 2 du Code de Procédure Civile).

Monsieur le Bâtonnier Patrick CUMIN
Avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône

Les nouvelles relations fournisseurs distributeurs après la loi du 3 janvier 2008 : avancée ou intermède provisoire? – Maître Jean-Jacques BIOLAY (Le Tout Lyon en Rhône-Alpes, 19-25/04/2008, p.81)

Publiée le 4 janvier dernier, la loi n° 2008-3 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a de nouveau modifié l’économie des relations fabricants-distributeurs en précisant notamment les conditions que doivent remplir les accords de collaboration commerciale qui ont du être été conclus avant le 1er mars 2008, ou qui le seront dans les deux mois suivant l’ouverture de nouvelles relations commerciales en 2008.

La complexité des normes régulatrices héritées en dernier lieu de la précédente loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, est heureusement un peu simplifiée malgré les acrobaties textuelles   auxquelles oblige la recherche constante d’un hypothétique   rééquilibrage des relations entre l’industrie et le commerce dont les conflits d’intérêts paraissent toujours aussi irréductibles ([1]).
Ces mesures  ne paraissent pas susceptibles de modifier la situation actuelle sans une plus grande intervention de l’administration en la matière.
Il est en effet notoire que les fournisseurs souvent placés en situation de dépendance vis-à-vis des distributeurs ne peuvent que très rarement faire valoir leurs droits à l’encontre de ces derniers. Les agents de la Direction générale de la Concurrence de la Consommation et de la répression des Fraudes ( DGCCRF ) sont donc souvent appelés à venir au secours des victimes de pratiques commerciales abusives susceptibles de ruiner les entreprises à plus ou moins long terme.
La législation mise en place facilite la mission des services de contrôle en multipliant les écrits susceptibles de faire preuve et en rétablissant les sanctions transactionnelles supprimées en 1986.

I.- Une prolifération des écrits apparemment simplifiés

La loi du 2 août 2005 imposait déjà aux partenaires économiques l’élaboration d’un grand nombre de contrats, dont le contenu a été simplifié par le nouvel article L. 441-7, I précité du code de commerce ([2]) et dont l’absence continue d’être pénalement sanctionnée par le II du même article . A partir du 1er mars 2008 (ou dans les deux mois suivant la première commande passée en cours d’année) , les services rémunérés au titre de la collaboration commerciale (énumérés par l’article L.441-7 du code de commerce) doivent, sous peine d’une amende pénale de 75.000 euros, faire l’objet d’un seul et même écrit , ou d’un contrat cadre annuel assorti de contrats d’application, ( à l’exclusion des produits agricoles périssables).

Contrat-cadre .- Les accords de coopération commerciale doivent obligatoirement prendre la forme d’un contrat de base, obligatoirement conclu au début de chaque année civile ou dans les deux mois suivant toute nouvelle relation commerciale.
L’exigence d’un écrit fixant les conditions de la collaboration commerciale n’est pas nouvelle ([3]) mais elle s’entoure d’un formalisme simplifié : l’accord qui peut résulter d’un document unique précise la l’objet, la date et les modalités des obligations, ainsi que leur rémunération
Pour les besoin des calculs rendus obligatoires par la loi, et notamment du calcul du seuil de la revente à perte,   les avantages consentis au distributeur paraissent devoir être exprimés en pourcentage du prix unitaire net du produit auquel ils se rapportent, dans des conditions qui appelleront certainement des précision administratives.
Il semble en effet que maintien de la définition actuelle du prix d’achat effectif ( « le prix d’achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture (…) ») empêche qu’une   réduction de prix ne soit concentrée par un distributeur sur un seul produit afin d’obtenir un seuil de revente à perte anormal.
Contrats d’application.- Le contrat cadre de coopération commerciale peut, selon le la nouvelle rédaction de de l’article L. 441-7 I du code de commerce précité, être complété par des contrats d’application dont l’absence est sanctionnée par la peine d’amende de 75.000 euros.
La prudence commandera donc aux partenaires commerciaux de conclure d’une part un contrat de base précisant la nature des services de collaboration commerciale convenue et d’autre part des accords d’application précisant la nature, la rémunération et les produits de rattachement de tels services.
S’il peut s’avérer utile en termes de transparence tarifaire, cet excès de formalisme ne paraît pas de nature à simplifier la vie des entreprises.

Autres écrits.- Le distributeur doit annuellement faire connaître à ses fournisseurs, sous peine de sanction pénale (art. L. 441-7 4°) avant le 31 janvier de chaque année le montant total des rémunérations se rapportant à l’ensemble des services rendus l’année précédente, exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires pour chacun des produits auxquels ils se rapportent .
La précision des informations requises par le texte ne paraît pas pouvoir éviter, pour établir la preuve de cette communication, la rédaction d’un écrit. On a toutefois du mal à comprendre l’intérêt d’une telle information, superflue en raison de la facturation dont ces services doivent obligatoirement faire l’objet ([4]).

Tous les documents requis par la loi ne présentent pas de grand intérêt du point de vue de la transparence dans les relations entre vendeurs et acheteurs, puisqu’ils ne sont pas communicables aux tiers.
Les agents de l‘administration peuvent en revanche en prendre connaissance, sur leur demande, ce qui constitue le principal intérêt – probatoire – des écrits exigés.
Ils déterminent, limitativement, les conditions de vente faisant application des conditions générales de vente du fournisseur ( toujours considérées comme le « socle » des relations commerciales) , les conditions particulières de commercialisation (anciennes coopération commerciale) et des conditions de rémunération par le fournisseur de services distincts dont la nature demeure énigmatique pour qui se soucie de l’interdiction des avantages discriminatoires.

II.- Des sanctions pénales subordonnées aux contrôles administratifs

La régulation des relations fabricants – distributeurs – particulièrement complexe- n’ont jusqu’ici pas fait pas l’objet d’une application très rigoureuse, les infractions étant rarement sanctionnées ([5]). La relation de subordination existant souvent entre fournisseurs et distributeur expliquant par ailleurs la relative rareté des contentieux déclarés. Pour y remédier et afin d’assurer l’effectivité de la règle de droit, comme la nécessaire restitution au consommateur des avantages consentis par les fournisseurs aux détaillants, la loi du 3 janvier 2008 confirme les pouvoirs d’intervention de l’administration habilitée à mettre en oeuvre des procédures simplifiées :

Pouvoirs de l’administration : On pouvait croire disparue l’ancienne possibilité donnée à l’administration de transiger avec le délinquant sur le montant des amendes susceptibles d’être infligées à raison d’une violation de la réglementation économique. Dans le passé, les critiques n’avaient en effet pas manqué de se déchaîner contre l’exercice de ce pouvoir occulte, jugé attentatoire aux prérogatives du juge. Ressuscitée par la loi du 2 août 2005 au nom d’une modernisation qui renoue paradoxalement avec les traditions du passé, le pouvoir transactionnel accroît considérablement les prérogatives de la DGCCRF en évitant il est vrai aux entreprises poursuivies une contre-publicité dont elles ont tout intérêt à se passer.

Transaction.- Aux termes de l’article L.470-4-1 du Code de commerce ([6]), l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation (il s’agit actuellement de la DGCCRF) a le droit de transiger après accord du procureur de la République.
L’autorité compétente est le directeur départemental de la Concurrence et de la consommation.
Cette faculté présente évidemment un intérêt pratique et permet d’envisager une sanction plus efficace des délits prévus par le titre IV du livre IV du Code de commerce – pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas encourue – dont la liste est impressionnante ([7]).
Les infractions sont constatées dans les conditions prévues par l’article L. 442-8 du Code de commerce, de telle manière que la même autorité, après avis favorable du procureur de la République est simultanément habilitée à poursuivre et à sanctionner, par exception à la théorie de la séparation des pouvoirs chère aux juristes dont les principes généraux sont il est vrai de plus en plus mis à mal par la législation moderne.

Par ailleurs se posera la question des constitutions de partie civile dont toujours possible même après transaction ([8]) mais qui souffre nécessairement du secret qui entoure cette dernière.

Citation directe.- Aux termes de l’article L. 470-4-3 du Code de commerce, les agents de la DGCCRF peuvent être habilités par le procureur de la République à assigner directement le prévenu devant le tribunal correctionnel lorsqu’une peine d’emprisonnement n’est pas encourue. Le dispositif permet de faire l’économie de l’assignation par huissier et renforce – s’il en était encore besoin – les pouvoirs répressifs de la DGCCRF.

Composition pénale.- Aux termes du nouvel article L. 470-4-2 du Code de commerce ([9]), la composition pénale prévue à l’article 41-2 du code de procédure pénale est applicable aux personnes morales qui reconnaissent avoir commis un ou plusieurs délits prévus au titre IV du présent livre pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas encourue. Ccette procédure simplifiée, dont la constitutionnalité n’est pas douteuse ([10]),   permet au juge de faire l’économie d’une audience en se prononçant par ordonnance.
Le procureur de la République peut proposer la composition pénale à l’auteur des faits par l’intermédiaire d’un fonctionnaire de la DGCCRF, renforçant encore le rôle   de cette administration.

En définitive, la loi du 2 août 2005 modifiée par la loi du 3 janvier 2008 laisse à l’administration, sous le contrôle du juge, d’importantes responsabilités dans l’équilibrage des rapports entre industriels et commerçants.
La modernisation de l’économie qui devra au printemps prochain faire l’objet d’une nouvelle loi parviendra-t-elle enfin à satisfaire les intérêts divergents du monde économique, y compris ceux des consommateurs ( dont dépend en fin de compte le développement de la croissance ) ?

S’il est permis d’en douter, rien n’interdit d’espérer.

Maître Jean-Jacques BIOLAY
Avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône

[1]              ) E. Voisset, Réforme des relations commerciales : modernisation ou retour à la case départ ? Petites affiches 9 mai 2005 n°91, p.3.- M.GLAIS, Des structures du marché responsables des dérives constatées dans le jeu des relations fournisseurs/distributeurs in Pratiques de la distribution : La réforme impossible ?: Petites Affiches 1er juill.2005, n°130, p.40.- S.RETTERER, La restauration de l’équilibre des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs dans la grande distribution : D. aff. 2003, chr. p. 1210.- D.FERRIER, J.L. GERARD et F.MALATERRE, Les relations Industrie-commerce après le circulaire Dutreil : Cah.dr.Entr. 2003-5, p.37.- A. TARGA, Pratiques restrictives de concurrence : complémentarité des textes et nouvelle donne des relations industrie-commerce : Rev. conc. consom. 1994, n° 78, p. 29 .- J.J. Biolay, Les relations entre l’industrie et la grande distribution : Petites affiches 17 avr. 1991, n° 46, p. 4.- – J. Tieffry, Des relations commerciales transparentes : Gaz. Pal. 1984, 2, doctr. 323.
[2]              ) art. L. 441-7 I: «Le contrat de coopération commerciale indiquant le contenu des services et les modalités de leur rémunération est établi, avant leur fourniture, soit dans un document unique, soit dans un ensemble formé par un contrat cadre annuel et des contrats d’application.
Chacune des parties détient un exemplaire du contrat de coopération commerciale.
Le contrat unique ou le contrat cadre annuel est établi avant le 15 février. Si la relation commerciale est établie en cours d’année, ces contrats sont établis dans les deux mois qui suivent la passation de la première commande.
Le contrat unique ou les contrats d’application précisent la date à laquelle les services sont rendus, leur durée, leur rémunération et les produits auxquels ils se rapportent.
Dans tous les cas, la rémunération du service rendu est exprimée en pourcentage du prix unitaire net du produit auquel il se rapporte.
[3]              ) Cass. crim., 4 févr. 1991 : Gaz. Pal. 1991, 1, p. 299, note D. Bayet
[4]     ) Voir Jurisclasseur Concurrence-consommation, fasc. 285, refonte 2005 en cours
[5]     ) Voir notamment avis n° 364 de M. Christian Cambon, Sénat 1er juin 2005
[6]              ) Article L470-4-1 C. com. (inséré par Loi nº 2005-882 du 2 août 2005 art. 44 Journal Officiel du 3 août 2005) : « Pour les délits prévus au titre IV du présent livre pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas encourue, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation a droit, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, de transiger, après accord du procureur de la République, selon les modalités fixées par décret en Conseil d’Etat.L’acte par lequel le procureur de la République donne son accord à la proposition de transaction est interruptif de la prescription de l’action publique.L’action publique est éteinte lorsque l’auteur de l’infraction a exécuté dans le délai imparti les obligations résultant pour lui de l’acceptation de la transaction. »
[7]              )Figurent dans cette liste : les infractions à la publicité des réductions de prix à l’égard du consommateur (art.L. 441-2 C.com.), les infractions aux règles de facturation (L. 441-4), les infractions aux délais de paiement (art.L. 441-6 et L.443-1), les ventes à perte ( art. L. 442-2) les pratiques de prix imposés (art.L. 442-5)
[8]              ) Cass. Crim. 22 janv. 1970
[9]              ) Article L470-4-2 C. com. (inséré par Loi nº 2005-882 du 2 août 2005 art. 46 : JO 3 août 2005)
I.-La composition pénale prévue à l’article 41-2 du code de procédure pénale est applicable aux personnes morales qui reconnaissent avoir commis un ou plusieurs délits prévus au titre IV du présent livre pour lesquels une peine d’emprisonnement n’est pas encourue ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes. Seule la mesure prévue par le 1º de l’article 41-2 du même code est applicable à ces personnes.
II- Pour les délits mentionnés au I, le procureur de la République peut proposer la composition pénale à l’auteur des faits par l’intermédiaire d’un fonctionnaire mentionné au quatrième alinéa de l’article L. 450-1 du présent code.
[10]    ) Cons. Constit. Dec. n° 2002-461, 29 août 2002 concernant la loi n° 2002-1138 du 9 sept. 2002 d’orientation et de programmation pour la justice.

La Caution au quotidien – Maître Frédéric MORTIMORE

Qui n’a jamais été sollicité par un parent ou un ami pour se « porter caution » ? La réponse, qu’elle soit positive ou négative, a-t-elle été donnée en toute connaissance de cause, c’est-à-dire en sachant ce à quoi on s’engageait ou ce à quoi l’on refusait de s’engager ? Comment, en tant que créancier, faire valoir ses droits face à la caution ? Et comment essayer d’échapper à une condamnation en tant que caution poursuivie par le créancier ?

Écartons d’emblée une fausse idée communément admise : La caution n’est pas la somme représentant 2 mois de loyer que l’on verse au moment de signer un bail d’habitation. Cette somme improprement qualifiée de caution est en réalité un dépôt de garantie. La définition de la caution est donnée par l’article 2011 du Code Civil : « Celui qui se rend caution d’une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation si le débiteur n’y satisfait pas lui-même ». Le cautionnement est donc le ménage à 3 du droit français. Mais pourquoi faire donc à 3 ce qu’il n’est déjà pas facile de réussir à 2 ? Autrement dit, quel est l’intérêt du cautionnement ? Dans notre société moderne, l’emprunteur n’est plus quelqu’un de méprisable qui vit au dessus de ses moyens mais quelqu’un qui utilise les moyens de financement mis à sa disposition. La règle est simple : « Sans sûreté, pas de crédit ; sans crédit, pas d’économie moderne ». Conseillé et assisté, le créancier pourra faire souscrire un engagement de caution valable et utilement s’en prévaloir le jour venu en diligentant la procédure adéquate.

Parce qu’il suit l’évolution de la société, le droit du cautionnement se développe : les lois et les décisions en la matière se multiplient, le plus souvent en faveur des intérêts de la caution. Ainsi, en droit de la consommation, la loi prévoit ainsi un formalisme à respecter de nature à garantir les droits de la caution et l’inobservation de ces règles entraîne la nullité de l’engagement de caution, ce qui signifie que la caution n’est pas tenue de payer les sommes réclamée puisque non valablement engagée. De même en matière de baux d’habitation, l’article 22-I de la loi du 6 juillet 1989 par exemple prévoit un formalisme important qui doit être respectée par les cautions qui ne s’engagent pas sur une durée précise, à défaut de quoi l’engagement de caution est nul. Poursuivie par le créancier, la caution peut par ailleurs, dans certains cas, opposer au créancier des arguments qu’aurait pu opposer le débiteur. Par exemple en matière de prêt personnel, l’article L. 311-37 du Code de la Consommation prévoit l’impossibilité pour le créancier d’agir passé un délai de 2 ans après le premier incident de payement non régularisé, argument que la caution peut opposer directement au créancier.

Utilement conseillée et assistée, la caution poursuivie par un créancier peut utiliser de nombreux moyens pour contester une demande judiciaire. La caution peut ainsi contester le contrat de cautionnement lui-même selon les causes de droit commun à tous les contrats : défaut de consentement, de capacité, etc… La caution peut également contester la mention manuscrite de son engagement (principal, intérêts, frais), etc… En plus de la contestation du contrat de cautionnement lui-même, la caution peut également contester la dette garantie : Elle peut ainsi contester le montant de la dette principale, invoquer la nullité ou l’extinction de la dette garantie etc… voire même préparer un dossier pour solliciter valablement des délais de payement ! Il ne faut enfin pas oublier que la caution – en théorie du moins – ne paye pas à fonds perdus puisqu’elle dispose d’un recours, c’est-à-dire du droit de demander au débiteur pour le compte duquel elle a payé le remboursement des sommes qu’elle a versées (ce qui en pratique n’est pas toujours aisé) et qu’elle pourra, là aussi, avoir besoin de l’aide d’un avocat.

Maître Frédéric MORTIMORE
Avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône

Réforme de l’organisation commune du marché viti-vinicole. Quelles conséquences pour le consommateur? – Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Tout Lyon en Rhône-Alpes, 1-7/03/2008, p.81)

Le 19 décembre 2007, les Ministres de l’Agriculture Européens sont parvenus à un accord politique sur la réforme de l’OCM.

Les premières orientations prises entreront en vigueur le 1er août 2008.

Si les professionnels sont partagés sur l’efficacité des mesures adoptées, quels changements cette réforme implique-t-elle pour le consommateur ?

A intervalles réguliers, les instances communautaires font le point sur la situation viticole européenne (conditions de production, état du marché mondial, etc…) et décident des adaptation pour conserver et développer son potentiel compétitif.

Aujourd’hui l’enjeu est de taille.

L’offre doit répondre à la demande pour maintenir les cours dans un contexte non pas, de surproduction, mais de sous consommation mondiale.

Des mesures drastiques sont connues et souvent employées.

Il s’agit du gel des droits de plantation (non augmentation du vignoble) et incitation à l’arrachage par l’octroi de primes (réduction de la surface en production).

Pour les quantités excédentaires produites en cas d’année naturellement abondante la distillation est également encouragée.

Toutes ces mesures classiques sont utilisées depuis plus de trente ans dans un sens ou dans un autre, avec plus ou moins de bonheur, pour réguler la filière.

Au de la de ces orientations dirigées vers les producteurs et metteurs en marché, la future OCM viti-vinicole propose une nouvelle segmentation des vins.

Les mentions de l’étiquetage vont changer et le consommateur doit connaître la classification à venir pour s’y retrouver.

Traditionnellement, la distinction communautaire se faisait entre vin de table (pas d’indication de cépage ni de millésime) et vin de qualité.

Les vins de table communautaires regroupaient pour la France les vins de table et les vins de pays ; les vins de qualité ou Vin de Qualité Produit dans une Région Déterminée, les Vins Délimités de Qualités Supérieurs (VDQS) et les vins d’Appellation d’Origine Contrôlées (AOC).

A partir du 1er janvier 2009, la distinction s’opérera entre les vins sans indication géographique et les vins avec indication géographique.

Les vins de table français seront seuls classés dans la première catégorie, mais leur étiquetage pourra mentionner cépage et millésime, à condition que cette information soit exacte et contrôlable.

De même, la nouvelle catégorie des vins avec indication géographique comprendra les vins avec indication géographique de provenance et les appellations d’origines protégées.

Les vins de pays seront donc classés non plus dans la catégorie communautaire des vins de table mais dans celle des vins avec indication géographique.

L’origine géographique de production devra répondre à des critères plus restreints dans la seconde catégorie (délimitation parcellaire et rendement réduit notamment).

Les vins avec indications géographiques de provenance n’auront pas seulement à être issus d’une région de production large, mais ils pourront aussi contenir 15 % de vins d’autres provenances.

C’est ici un changement majeur et une adaptation concurrentielle à certaine législation extra européenne.

Le consommateur risque toutefois de s’y perdre puisqu’un vin de table pourra être présenté avec des signes traditionnels de qualité que sont le cépage et le millésime.

Egalement, un vin avec indication de provenance pourra pour partie (a priori 15 %) avoir une provenance autre que celle indiquée sur l’étiquette.

Les législations nationales conserveront néanmoins la possibilité de restreindre les principes en interdisant certains assemblages de vins européens et en limitant les mentions à certaines variétés de cépages.

Une farouche volonté de libéraliser le secteur de vins préside à ses changements, et il est à certains égards regrettable que la logique marchande brouille quelque peu la logique qualitative employée jusque ici.

Toutefois, si la renaissance des vignobles français et la renommée des vins hexagonaux sont à ce prix, pourquoi ne pas tenter l’expérience.

Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche-sur-Saône

Jeu concours publicitaire : qui gagne… perd ! – Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS (Le Patriote Beaujolais, n°709, 26/03/2009)

Les consommateurs que nous sommes sont régulièrement accrochés, dans le cadre de publicité, par des annonces de gain présentant l’heureux gagnant comme désigné par le hasard sans qu’il n’ait eu à faire aucune démarche.

Se renseignant, l’intéressé découvre qu’il n’a en réalité rien gagné, et se trouve dépité lorsqu’il comprend la logique, non évidente, du jeu ou la minuscule clause qui le transforme en « dindon de la farce ».

Qu’on se rassure, de telle déconvenue arrive aussi à des gens versés dans la matière juridique.

Le destinataire d’un jeu publicitaire, certain d’avoir gagné, a sollicité l’attribution de son lot : un séjour dans une ville touristique européenne.

L’organisateur lui refusa, prétextant que l’offre n’était pas nominative et qu’elle était soumise à conditions.

Le règlement du jeu prévoyait de surcroît l’organisation d’un tirage au sort.

Il a alors saisi le Tribunal de Grande Instance en attribution de son lot, mais a été débouté de sa demande.

Il soutenait que la société s’était irrévocablement engagée à son encontre sur le fondement juridique de l’existence d’un quasi contrat.

Aux termes de ce principe, il expliquait qu’une proposition lui avait été faite et qu’il lui suffisait de l’accepter pour se retrouver lié avec le proposant.

Au contraire, la société organisatrice du jeu soutenait que l’attribution du gain était soumise à l’aléa qui se manifestait par l’organisation d’un tirage au sort.

Dès lors, elle ne pouvait être engagée irrévocablement sur la base d’un quasi contrat.

En réalité, l’intéressé était non pas l’heureux gagnant du tirage au sort, mais « l’heureux gagnant » du droit de participer au tirage au sort.

Ne désarmant pas, il fit appel et précisa encore que la pratique dont il avait été victime était trompeuse et interdite par les dispositions de l’article L. 121-1 du Code de la Consommation qui prohibe notamment les publicités sur un bien ou service inexistant ou indisponible.

La proposition faite correspondait selon lui à une offre inexistante et il avait ainsi été induit en erreur.

La Cour d’Appel lui répond à nouveau que tel n’est pas le cas.

Son arrêt retient que les gains ou cadeaux étaient soumis à des conditions d’attribution aléatoires rappelées par le règlement.

Aucun risque de tromperie à l’égard du consommateur d’attention moyenne n’apparaissait.

L’attendu principal était le suivant :

« au regard des pratiques commerciales trompeuses visées par l’article L 121-1 du Code de la consommation, dans la mesure où l’offre de remise de voyage à Venise, associée sous forme de deux à une vente par correspondances, est par nature hypothétique et réservé à un destinataire non encore tiré au sort, seul qualifié formellement de gagnant, il importe peu que l’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service, ne soit pas indiquée dans la promotion publicitaire. De même, il importe peu que l’information substantielle quant à la nature du lot fasse défaut au moment où elle parvient à un consommateur qui, par définition, ne peut être considéré comme le gagnant attributaire du lot litigieux, et par conséquent, le bénéficiaire du service ».

Autrement dit, le gagnant n’a pas été trompé mais s’est lui-même trompé.

Il s’agissait au surplus, ce que l’Arrêt relève, d’un professionnel du droit, donc d’une personne spécialement plus sensible aux dérives possibles des loteries publicitaires.

Toutefois, même si la qualité du plaignant avait été autre, il est fort probable que la décision eut été la même.

Manifestement, les loteries ou les jeux concours publicitaires, souvent effectués par des sociétés de vente par correspondance, ont encore de beaux jours devant eux.

En conclusion, il faut retenir qu’il n’y a gain que s’il est accompagné de l’attribution nominative du gain, à l’exclusion de toute condition et en l’absence de référence à un quelconque tirage au sort.

C’est toute l’ambigüité de ce genre de pratiques à l’encontre desquelles la vigilance s’impose.

Rappelons encore que toute offre de participer à un tirage ou à un jeu, à condition de commander ou d’acheter un bien ou service, est prohibée (article L. 121-36 du Code de la consommation).

C’est pourquoi, ces jeux concours sont gratuits pour rester légaux.

Monsieur le Bâtonnier Michel DESILETS
Avocat au Barreau de Villefranche sur Saône